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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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arrières. Je veux avancer encore. »
    Menninger avait fait quelques pas en direction de son char. Il s’était retourné. La scène lui était présente comme si elle se déroulait à l’instant. Haupt répétait l’ordre.
    « … Suivez-moi ou je vous abats. »
    Trois sommations sèches. Un mouvement de tête méprisant du lieutenant-colonel français. Un geste de Haupt à un officier de la compagnie de grenadiers qui accompagnait les panzers. Une rafale, un coup de feu. Un corps de plus sur le bord de la route.
    Un des SS s’était placé à côté de la portière avant et sans diriger son arme vers le chauffeur le surveillait. L’autre se penchait vers Menninger. Un visage que le casque découpait. Menninger baissait la glace. Le SS saluait.
    — Mon Général, nous contrôlons cette route.
    Menninger sans répondre tendait son ordre de mission. Le SS l’éclairait avec une lampe de poche pendue à sa poitrine. Les femmes immobiles, à quelques mètres devant la voiture, serrées les unes contre les autres comme un essaim, ne semblaient rester debout que parce qu’elles étaient ainsi, ensemble, épaule contre épaule, si l’une d’elles cédait, toutes peut-être tomberaient avec elle.
    — Vos papiers, mon Général, excusez-nous.
    Le SS rendait l’ordre de mission, saluait, donnait un coup de sifflet, courait vers le premier rang des femmes. D’autres SS taillaient la colonne en deux avec leurs longues matraques de caoutchouc. Des femmes chancelèrent, soutenues par leurs camarades.
    En quelques minutes la route fut dégagée, et la voiture du général Karl Menninger roula lentement entre ces visages de femmes aux pommettes anguleuses, aux cheveux ras.
    L’aube se levait comme poussée par le vent qui déchirait le brouillard. Seuls la route et les arbres qui la bordaient restaient encore enveloppés d’une couche cotonneuse. Berthold se mit à tousser, quintes brèves qu’il essayait d’étouffer en se penchant sur le volant, mais qui se répétaient, aiguës.
    « … Excusez-moi, mon Général », dit-il plusieurs fois.
    Menninger remonta sa glace lentement et reposant la main sur la banquette retrouva la crosse du pistolet.
    Ce lieutenant-colonel français avait eu, quand le major Haupt l’avait désarmé, un mouvement de révolte, puis il avait croisé les bras et n’avait plus bougé, regardant l’officier de grenadiers qui s’approchait le pistolet mitrailleur à la main. De la tourelle de son char, Menninger avait suivi toute la scène, l’exécution, le corps s’affaissant sur le bas-côté, Haupt qui hurlait aux soldats français d’enterrer leur officier. Menninger avait levé le bras donnant l’ordre aux panzers de se remettre en marche. Devant lui ces routes ouvertes, ces villages qu’ils traversaient empruntant la rue principale sans rencontrer d’opposition, et la poussière qui se levait comme un brouillard…
    — Ces femmes, dit Menninger – il avait posé sa nuque sur le haut du siège, fermé les yeux – sûrement des partisans russes ou yougoslaves, il faut bien s’en défendre, n’est-ce pas ?
    Berthold recommença à tousser. Il avait le front proche du pare-brise, cherchant à voir la route malgré la nappe de brouillard.
    — Les femmes ne devraient pas être mêlées à la guerre, reprit Menninger. – Il ajouta comme pour lui-même, d’une voix étouffée. – À la guerre il y a des lois qu’il ne faut jamais violer.
    Ils avaient abattu le lieutenant-colonel français, tôt le matin, le brouillard s’accrochait encore aux bouquets d’arbres, couvrait les canaux et les fossés. L’avance toute la journée avait été rapide, quelques coups de semonce des panzers de tête et les nids de résistance placés ici et là par les Français cessaient de combattre. Le soir Menninger avait établi son poste de commandement dans un hôtel à quelques kilomètres de Cherbourg. Il se souvenait de la grande salle, des poutres noires découpant le plafond blanc. Il avait dîné très légèrement, refusant le vin que le propriétaire lui proposait, écrivant à Karin. Chaque jour il tentait ainsi d’arracher quelques minutes à la guerre. Il avait besoin, après la tension des combats, des décisions à prendre, de laisser sa main et sa pensée glisser au gré de l’émotion.
    « Chère Karin », commençait-il.
    Ces mots changeaient Menninger comme si du seul fait de les avoir tracés, il échappait au cercle de fureur de la guerre.
    Dans

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