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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Graevski, arrivé de Paris, racontait comment ils avaient arrêté le docteur Lazievitch, séparé les familles, enfermé tous les juifs au Vélodrome d’Hiver avant de les expédier dans un camp à Drancy.
    « … Et de là, disait Mietek, l’Allemagne – il crachait avec violence – les cons, quand on leur a dit mettez une étoile jaune, ils l’ont mise. – Il se frappait la poitrine avec le poing fermé. – Là, ils l’ont accrochée là, une belle cible, du côté gauche, sur le cœur. Des cons. »
    Il s’arrêtait en face de Sarah :
    « … Tu ne vas pas rester ici, disait-il. Ils vont venir. »
    « … Où voulez-vous que nous allions, Mietek », murmurait Nathalia.
    Mietek hurlait.
    « … Ta mère, tu la connais ! »
    Mais Sarah voulait s’enfoncer dans ce désespoir maternel qu’elle portait depuis si longtemps qu’à la fin il fallait bien qu’elle sache si elle pouvait y résister ou bien s’il l’écraserait.
    « … Deux folles », avait dit Mietek.
    Il était revenu avec un ami, Sam Lasky, un peintre qui habitait Saint-Paul-de-Vence, qui connaissait une filière pour passer en Espagne.
    « … Trop tard, maintenant », disait Sarah.
    Les troupes italiennes contrôlaient la région, les Allemands tenaient la frontière des Pyrénées. Toute la France était occupée.
    Mietek s’était approché de Sarah. Il avait le visage déformé par la colère. Il lui avait saisi les poignets.
    « … Tu es lâche », disait-il. Tu te crois courageuse parce que tu t’obstines à les attendre. Tu sais qu’ils te prendront. Je te méprise. »
    Il crispait ses mâchoires. Sarah voyait des larmes dans les yeux de Mietek. Tout à coup il l’avait lâchée, giflée, se mettant à sangloter, criant :
    « … Viens, Sam, laisse-les crever, ces folles. »
    Quelques jours plus tard, Sam Lasky avait téléphoné, donnant le nom d’une amie à Nice, Violette Revelli, une autre à Vence, Élisabeth Loubet.
    « … N’hésitez pas, disait Sam, deux personnes sûres, elles vous aideront. »
    Au début du mois de septembre 1943 – au moment où Serge Cordelier était interrogé 84, avenue Foch – les Allemands avaient occupé le sud-est de la France. Maintenant qu’ils étaient là, que les voitures noires de la Gestapo commençaient à sillonner les routes, à rechercher les juifs, Sarah retrouvait son énergie. Elle fermait les volets du mas, le quittait sans regret.
    Par Violette Revelli, elle obtenait des faux papiers au nom de Jeanne et Madeleine Cordier.
    « … Tu t’appelles Madeleine », répétait-elle à sa mère.
    Elles s’installaient toutes deux dans un hôtel de Vence, rendaient souvent visite à Élisabeth Loubet, une jeune femme vigoureuse, au front bombé, aux cheveux rejetés en arrière, à la peau cuivrée qu’ont les blondes quand elles vivent au soleil. Sarah la surprenait souvent bêchant dans le jardin, en short, un foulard noué autour de la poitrine tenant lieu de soutien-gorge. Des hommes passaient, rapides, discrets, chuchotant quelques mots, donnant une enveloppe.
    Élisabeth souriait à Sarah :
    « … Vous n’avez rien vu. »
    La Gestapo arrêta Élisabeth Loubet pour ses activités de résistance, un matin, à la mi-décembre 1943.
    Elle a tenté de fuir. Ils l’ont blessée, jetée dans une voiture, torturée plus tard.
    En perquisitionnant sa villa, ils ont trouvé le numéro de téléphone de l’hôtel où habitaient Sarah et Nathalia Berelovitz. Ils les ont guettées, assis dans leur voiture basse et noire.
    Elles arrivaient d’une promenade sur les remparts, bras dessus bras dessous, et quand Sarah a remarqué la voiture devant l’hôtel elle a murmuré à sa mère :
    « … Madeleine Cordier. Tu as perdu la mémoire, tu ne sais que ton nom. »
    Ils ont ouvert les portières brutalement. Leurs visages et leurs gestes, leurs voix semblables à celles des hommes qui à Varsovie, dans l’enfance de Sarah, surgissaient au bout de la rue, criant la haine.
    À Nice, dans le salon de l’hôtel Atlantic, devenu le siège de la Gestapo, ils ont frappé Sarah à coups de poing. Ils l’ont traînée dans une cave où elle a vu allongée sur le sol Élisabeth Loubet, une tache rouge sur la jupe à la hauteur du ventre.
    « … Tu la reconnais ? »
    « … Elle nous vendait quelques fruits, répétait Sarah, je vous le jure, ma mère et moi… »
    Lehaim. Vivre.
    Sarah et Nathalia Berelovitz furent déportées sous le nom de

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