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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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cet hôtel de Normandie, sa lettre éclairée par une bougie, il avait raconté l’exécution du matin.
    La guerre est affreuse, notait-il. J’ai dû donner l’ordre d’abattre un officier français et t’écrivant je me rends compte que cette décision que je ne regrette en aucune façon – il y allait du succès de notre offensive et de la vie de mes soldats – me poursuit. Je crois que je me souviendrai toujours de son visage obstiné, du mépris que je lisais dans le regard de cet adversaire. Me reviennent des souvenirs de l’autre guerre, ce soldat français, si jeune, qui s’était effondré devant moi, tué. Je sais que j’aurais pris la même attitude que l’officier de ce matin si je m’étais trouvé dans une situation identique à la sienne. Mais un homme reste un homme et la guerre a ceci de singulier qu’elle contraint à tuer des ennemis, qui sont parmi les hommes, ceux qui sont les plus semblables à soi.
    J’ai reçu aujourd’hui la reddition de deux généraux dont le seul souci était de conserver leurs bagages et leur ordonnance. Je les ai laissés en vie et traités comme il se doit, mais je les méprise. Et j’ai fait exécuter l’officier de ce matin dont tout me rapprochait.
    Comprends-tu cela, chère Karin, la mort qu’on donne comme la forme la plus folle de l’estime qu’on porte à autrui.
    Je sais que tu penses que la guerre est barbare. Mais en même temps elle nous contraint à vivre des situations extrêmes où seuls gardent un visage d’hommes ceux pour qui la vertu n’est pas un vain mot.
    Je vis la guerre, chère et aimée Karin, comme une exigeante morale…
    À plusieurs reprises déjà la voiture avait heurté des obstacles placés sur la route et que le brouillard masquait. Menninger, secoué par les cahots, avait été contraint de se tenir au dossier du siège avant.
    — Qu’est-ce qu’il y a, Berthold ? demandait-il. Berthold secouait la tête, ralentissait.
    La route commençait à descendre vers la vallée où le brouillard s’accumulait, dissimulant les villages. Cependant, sur le flanc de la colline, le soleil achevait de le dissiper, laissant apparaître les cimes des hêtres et des sapins, et les lacets de la route.
    — Nous allons pouvoir aller plus vite, ajouta Menninger.
    Il ferma à nouveau les yeux.
    Un jour, en Cyrénaïque, le jour où Haupt avait été blessé près de lui le bras gauche emporté, l’avion anglais revenant pour mitrailler la piste, Menninger avait sauté dans le sable, tiré Haupt du véhicule incendié peu après. Ce jour-là, pendant qu’il secouait le sable qui le recouvrait, qu’il marchait près du brancard où geignait Haupt, Menninger avait tout à coup craint pour Karin. Il la voyait ensevelie sous le plâtre et les gravats de l’immeuble éventré, dans Berlin en flammes. Elle l’appelait puis sa bouche se remplissait de terre.
    Au quartier général, lorsque Menninger après avoir accompagné Haupt au poste de secours, entrait dans la salle de réunion, Rommel venait vers lui. Il était tête nue, la ride qui partageait son front profonde, le visage amaigri.
    « … Haupt ? » demanda-t-il.
    « … Il vivra », répondit Menninger.
    Rommel le prit par le bras, l’entraîna hors de la pièce. Les dunes semblaient avancer vers eux, menaçant les bâtiments de terre rouge, une école, quelques habitations, ce village où l’état-major de Rommel s’était installé.
    — Nous allons devoir reculer, dit Rommel. Ni essence ni pièces de rechange.
    Ils marchèrent jusqu’aux dernières maisons, là où les automitrailleuses qui protégeaient l’état-major avaient pris position.
    — Quel âge, votre fils ? demanda Rommel.
    Dix-sept ans Dietrich. Dans sa dernière lettre Karin indiquait qu’il venait d’être mobilisé dans une unité de défense antiaérienne.
    Je crois qu’ils sont si jeunes, écrivait-elle, qu’ils ne les enverront pas au front. Pour le moment en tout cas. Mais comment, si la guerre dure, pourront-ils éviter de les jeter aussi dans le feu ? J’essaie de toutes mes forces de ne pas penser à ce moment-là. Mais je me souviens que tu es parti te battre en première ligne au même âge que Dietrich.
    Si j’avais imaginé que mon fils… Mais à quoi bon te dire mes pensées ? Tu les connais.
    Inge a quitté Berlin avec Leni et Ilse. Elles sont allées s’installer dans les Alpes bavaroises. Ta sœur a insisté pour que je la rejoigne. J’ai refusé. Inge a la

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