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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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faire au printemps 1946.
    « … N’hésitez pas, disait Mietek, imitez-moi, je m’agrandis, je sens ce qui va arriver, nous ne sommes pas les seuls à aimer le soleil, et moi je veux m’entourer d’un espace libre, achetez, Cordelier. »
    Il aurait géré son domaine, ouvert peut-être une étude immobilière.
    « … Vous construirez, disait Mietek, vous-êtes un actif, Cordelier. »
    Serge avait quelques semaines rêvé à cette vie-là. Il avait invité au mas Alexandre Revelli, un architecte qui avait déjà surveillé les agrandissements du mas et ceux de la bastide de Mietek, un ami de Sam Lasky qui avait aidé la Résistance.
    « Pourquoi pas ? disait Revelli à Cordelier. Mais il nous faut des matériaux, et nous n’avons ni ciment, ni bois, rien. Il faut que le gouvernement comprenne… »
    Serge se levait, encore maladroit sans ses cannes.
    « … Évidemment, disait-il, tout est politique. »
    Est-ce pour le retenir que Sarah avait accepté de l’épouser comme il le lui demandait depuis son retour des - camps ? Elle était maintenant Madame Sarah Berelovitz-Cordelier. Serge avait fait donation de tous ses biens à Nathalia dont il était devenu le tuteur. Mais Sarah n’avait pas cédé.
    « … Berelovitz, Serge. Elle ne s’appellera que Berelovitz jusqu’à son mariage et même, je voudrais qu’elle garde son nom après. »
    Serge l’embrassait :
    « … Têtue, disait-il, orgueilleuse. »
    Il riait. Puis un coup de téléphone de Paris, Lucia Cordelier, sa mère, au plus mal. Sarah portant Nathalia dans ses bras le regardant le soir même monter dans la voiture de Mietek qui l’accompagnait au train de Paris.
    Le désespoir cette nuit-là dans la grande maison vide. Sarah se faisait du café, lisait, s’asseyait près du lit de Nathalia, tentait en vain de dormir. L’intuition que Serge reviendrait de Paris différent, qu’il supporterait mal la mort de sa mère, qu’il en fuirait le souvenir.
    Nathalia avait eu le sommeil agité, des spasmes à nouveau et l’anxiété de la petite fille avait obligé Sarah à se calmer.
    Quand Serge avait téléphoné annonçant d’une voix trop indifférente la mort de sa mère, Sarah était prête à affronter les difficultés, à la manière dont elle avait rentré la tête dans les épaules sur la place d’appel du camp pour éviter de recevoir sur la nuque le coup de gourdin des surveillantes.
    « … Je dois rencontrer Letel, disait Serge, peut-être le Général. On ne se rend pas compte en province des choix qui s’imposent, il… »
    Sarah avait Nathalia. Elle savait qu’elle avait pu accepter la disparition de sa mère parce qu’elle avait à côté d’elle cette petite fille qui, obstinément, poussait ses racines dans le monde, cette enfant dont les jeux, la spontanéité aussi – cette émotivité qui la rendait hypersensible à tout ce qui l’entourait – lui rappelait que la vie est croissance, avenir.
    « … Un enfant, ça vous chauffe une maison », disait Mietek quand il passait au Mas Cordelier.
    « … Vrai, Mietek, vrai. »
    Sarah avait cru que Serge éprouverait cela. Mais peut-être les hommes ne sentent-ils pas ainsi, peut-être ont-ils besoin de s’aveugler sur l’essentiel, un enfant qui grandit, une mère qui meurt.
    Serge revenait de Paris après quelques jours, la bouche pleine de mots sans visage « le rôle de la France, les communistes, le ministère, le référendum, la constitution ».
    Même quand il nommait Blum, Bidault, Thorez, De Gaulle, ce n’était pas pour parler d’eux, mais de leur rôle.
    Quand Sarah l’interrogeait – « De Gaulle, comment est-il ? » – Serge paraissait un instant décontenancé. Il regardait Sarah comme si elle avait posé la question la plus incongrue.
    « … De Gaulle ? Un homme d’État, un véritable homme d’État. Personne ne peut lui être comparé. Clemenceau, un politicard qui se rachète à la fin de sa vie. Napoléon, un mégalomane qui a la chance avec lui quelques années mais qui ne pense qu’à son destin personnel. De Gaulle, c’est la France d’abord. Aura-t-il les moyens, les hommes ? C’est une course de vitesse entre lui et la médiocrité française, si présente partout. »
    Serge n’acceptait pas la retraite de De Gaulle.
    « … C’est la coalition des nains, disait-il, si nous les laissons faire… »
    Il téléphonait à Letel qui conservait son poste au ministère malgré son

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