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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’il lui prenait la taille, la contraignait à monter marche après marche, qu’il s’allongeait avec elle sur le lit, posant sa tête sur ses seins.
    Ils s’étaient évités le lendemain matin, Sarah quittant la chambre quand le ciel est encore bleu sombre, que sur les planches caillouteuses, ici et là, entre les oliviers, les paysans allument des feux d’herbes sèches dont la fumée se confond avec la brume et monte droit dans un crépitement qui ressemble à celui des cigales. Elle avait entendu Serge qui se levait lui aussi, gagnait son bureau où depuis des années il dormait, seul.
    Elle sortait sur l’aire, engourdie par la nuit, sensible à la fraîcheur, mais peu à peu, à désherber au bout du jardin, à bêcher le carré des rosiers, elle se dénouait.
    Elle aimait cette respiration retenue du matin, ce moment d’harmonie avant que ne se brise l’unité sous la poussée de la lumière et des rumeurs. Elle s’interrompait, appuyée à sa bêche, guettant au-dessus de la mer la croissance rouge du soleil.
    Nathalia l’avait rejointe, prête déjà, la prenant par la taille et toutes deux serrées, elles étaient montées sur la terrasse, à droite du mas, là d’où l’on aperçoit parfois, par temps clair, le profil cisaillé de la Corse.
    — Je regrette, avait dit Nathalia, hier soir je me suis emportée contre Serge. – Elle posait son visage contre l’épaule de Sarah, elle entourait sa taille de ses bras. – Je sais bien qu’il est contre la guerre, la torture. J’ai lu – elle baissait la voix – ce livre sur la Résistance que tu m’as prêté, où on parle de lui.
    Elle s’interrompait et dans le silence, se serrant plus fort, elles imaginaient cette cellule du quatrième étage du 84, avenue Foch.
    — Pourquoi ne démissionne-t-il pas ? Il a besoin d’être ministre ?
    — Il pense qu’il aide à faire la paix plus vite, murmura Sarah.
    Elles revinrent vers l’aire. Serge les regardait s’avancer, les mains derrière le dos, voûté, pensif. Il évita le regard de Sarah, dit à Nathalia :
    « … Veux-tu accepter que ma voiture officielle te dépose au lycée, je pars dans quelques minutes ? »
    — Je suis contre la collaboration, dit Nathalia en s’élançant. Elle criait depuis le mas :
    « … Mais puisque c’est toi, je collabore, attends-moi. »
    Serge et Sarah, seuls, face à face.
    Serge allumait une cigarette.
    — Il n’est pas impossible, disait-il, que le préfet fasse protéger la maison. Si De Gaulle me désigne, je serai l’une des cibles des ultras, je les crois prêts à tout.
    Il parlait, il marchait, pour se dérober, et Sarah arrachait les feuilles mortes des rosiers grimpants, sans se tourner vers lui.
    — Me voilà, dit Nathalia.
    Elle était sur le seuil, d’une beauté si spontanée qu’à la voir Sarah fut émue, lui effleura les cheveux et la joue du bout des doigts comme si elle avait eu peur qu’à l’embrasser, à la toucher, sa jeunesse se ternisse.
    — Voilà la voiture, dit Serge.
    Noire, elle roulait entre les cyprès, faisant crisser les graviers. Bruit de portières, voix du chauffeur.
    — À bientôt, murmura Serge. Il était devant Sarah.
    L’agripper. Le contraindre à rester avec elle. Si peu d’années encore à être ensemble, tant de risques pris déjà, miracle que d’être en vie, pourquoi se jeter encore en avant ? Elle avait peur. Elle se reprochait d’avoir peur, se souvenait de sa mère qui prédisait toujours le pire. Était-elle à ce point devenue vieille ?
    — À bientôt, dit-elle.
    Elle regarda Serge comme il approchait son visage pour l’embrasser. Elle sut qu’il s’interrogeait lui aussi.
    — Dès que les négociations auront abouti, commença-t-il, je…
    Il s’interrompit hésitant à s’engager.
    — Enfin, à bientôt Sarah, dit-il seulement.
    Elle resta immobile. Elle le voyait qui s’approchait, elle n’éprouvait rien quand il l’embrassait sur les joues. Elle jugeait ce couple qu’ils formaient, elle et lui, comme s’ils avaient été deux inconnus dont elle n’eût rien ignoré pourtant. C’était leur dernière nuit, pensait-elle. Ils ne vont plus se revoir.
    Et elle eut peur de ce qui leur restait à vivre.
    Quand elle essayait de reconstituer ces semaines jusqu’à cette matinée de novembre où elle avait entendu à la radio – le journal de 7 heures, celui qu’elle écoutait régulièrement – la voix de Serge, Sarah revenait

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