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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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questions politiques, affectait comme certains Italiens du Nord, l’indifférence des Britanniques.
    « … Une manœuvre à double détente, continuait-il. On vous accuse, par Charles Weber interposé, d’avoir dénoncé Cordelier. On l’accuse d’avoir fait assassiner Weber pour vous couvrir. Il est votre victime et votre complice. Vous le tenez et il vous tient. »
    Sarah écoutait. Sa vie comme cendres.
    « … Votre mari n’a pas le choix, Sarah, reprenait Naldi. Il doit remettre sa démission au Général. Après ? – Naldi souriait – Chi lo sa ? De Gaulle fera ce qu’il voudra, comme il fait toujours. »
    Le soir, Sarah devait rassurer Nathalia qui la guettait, anxieuse.
    « … Il n’a pas téléphoné ? » demandait-elle.
    « … Jouons, toutes les deux », disait Sarah.
    Elle tentait d’entraîner Nathalia vers le piano. Nathalia secouait la tête, appuyait sur le bouton de la télévision.
    « … Le journal, murmurait-elle, après le journal. »
    Le matin, à nouveau la brume, obstinée, et la fumée lourde du moulin à huile qui filait horizontale vers les cyprès courbés et les oliviers gris. La maison froide, déjà le vent s’infiltrant de pièce en pièce, les draps humides, les tommettes couvertes, semblait-il, d’une pellicule glacée.
    Sarah se levait, toussotait, chauffait ses mains au-dessus de la cafetière. Une tasse, le sucrier, un geste machinal vers la radio.
    La voix de Serge.
    … ma démission au président de la République qui l’a acceptée. J’ai été l’objet d’attaques ignobles…
    Il parlait. Pas une fois son nom à elle.
    Je vais maintenant pouvoir me défendre, disait-il.
    Des voix de journalistes dans le brouhaha, des mots lointains :… Vous ignoriez son passé ?
    Faites-vous faire une enquête sur la femme que vous avez épousée ? Moi non. C’était une déportée, une…
    Nue.
    Serge l’abandonnait nue sur la place du camp.

6

UN FILS RESTE UN FILS

1960-1977

Je me souviens du jour où nous avons quitté le Mas Cordelier.
    Quand je suis rentrée du lycée, vers 6 heures, la nuit tombée, les cyprès de l’allée ployés par le vent, leurs ombres s’entrecroisant sous mes pas chaque fois qu’une voiture éclairait de ses phares la campagne. Sarah était assise dans l’entrée, deux valises posées sur la première marche de l’escalier. Le matin, je l’avais laissée dans la bibliothèque et j’avais deviné son anxiété. Quand je me suis immobilisée devant elle, elle m’a tendu les mains.
    — Je n’ai plus de force, m’a-t-elle dit, aide-moi à me lever.
    J’ai pris ses mains et elle est venue contre moi, se serrant, me caressant les cheveux comme elle avait souvent l’habitude de le faire.
    — Nous partons, Nathalia, a-t-elle murmuré. Mietek va venir nous chercher. Nous nous installons chez lui.
    J’aimais le mas. J’avais couru sur l’aire, m’arrêtant tout à coup, persuadée que j’étais perdue, loin du mas, avec devant moi les lourdes feuilles des figuiers entre lesquelles scintillaient les feux follets. J’avais guetté le retour des hirondelles, observé les lézards sur la façade rose, sauté de planche en planche, Allen Roy Gallway qui venait souvent au mas, me donnant la main. Nous courions ensemble, un muret, l’envol, l’élan, nous criions l’un et l’autre, et en quelques enjambées nous étions au bord d’un autre muret, que nous sautions encore, ainsi jusqu’au bord de la route, les oliviers derrière nous, le chemin qu’il fallait gravir et je disais : « Encore, Allen, encore. » Il secouait la tête. « Tu as des ressorts dans les jambes, moi je n’ai plus que des os, ils vont casser. » Je me pendais à son cou : « Allen, Allen, je t’en prie, une dernière fois. » Je n’avais pas très envie de recommencer cette longue course coupée de sauts, mais j’aimais l’entraîner, j’aimais nos cris. J’aimais Allen Roy Gallway. Des amis qui venaient au mas, il était avec Mietek Graevski celui que je préférais. Parfois, je m’asseyais entre eux, par terre, je prenais leurs mains, je les forçais à les nouer, et je riais. Je disais : « Vous êtes deux frères, les deux frères de maman. »
    J’aurais voulu que Sarah Berelovitz ait autour d’elle l’une de ces grandes tribus qui se rassemblent dans la maison familiale, les cousins jouant avec les neveux. Dans les romans que je lisais à ce moment-là, il y avait toujours un oncle Paul, grincheux, une

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