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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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articles sur la Chine, nous fait parvenir sa première correspondance d’Allemagne. Nous nous sommes assuré l’exclusivité des points de vue, interviews et reportages en Europe de l’auteur de « L’autre côté de l’Océan ».
    Bowler adressa donc un autre numéro du Boston Literature Guide au siège du Herald Tribune en espérant qu’on le ferait suivre. Il avait d’abord téléphoné à la rédaction du journal, à l’éditeur d’Allen pour obtenir son adresse en Europe. Mais qui savait comment le joindre ? « Vous connaissez Allen, répondait un rédacteur du Herald, quand il est pris par la bougeotte, il ne reste pas deux jours dans le même hôtel. Le temps d’écrire son papier et il file. Et comme il écrit vite…»
    Donc Allen Roy Gallway ne reçut pas le dernier numéro du Boston Literature Guide. Pourtant, depuis plusieurs jours, il n’avait pas changé d’hôtel mais il aimait sa légende d’écrivain instable, « de vagabond des lettres » – comme avait écrit à propos de ses reportages sur la Chine, un critique du New York Book Review. Il laissait toujours la rédaction du journal et son éditeur dans l’ignorance de ses déplacements. Il télégraphiait, réclamait une nouvelle avance, expédiait ses papiers et parfois les téléphonait. Mais il n’aimait pas ce contact direct, ces voix déformées par la distance, qu’il reconnaissait pourtant, toutes les rumeurs de New York qu’elles portaient avec elles. Il éprouvait alors un besoin violent, physique de rentrer, de s’allonger sur le canapé dans son appartement de Bedford Street, d’aller traîner Bleecker Street dans l’un des cafés italiens et de rester là, appuyé au comptoir, à écouter. Mauvaises nuits que celles qui succédaient à une conversation téléphonique avec New York. Allen Roy Gallway quittait la poste ou l’hôtel, errait dans ces villes étrangères. Effacer les voix, la nostalgie, aller plus loin, se perdre.
    Il s’était ainsi aventuré en Chine, pour oublier Frisco, New York, Bedford Street, Bowler, Tina aussi. Une jeune femme qui portait le même prénom que cette voisine, du temps où avec Jim, Allen habitait Frisco, jours de l’enfance, quand le père débarquait, qu’il plaçait la solde sur la table et la mère posait sa main sur le genou de son mari. Proches ces jours comme un mirage à portée de voix, et il suffit d’un pas, d’un appel pour qu’ils s’éloignent.
    Allen venait de publier L’autre côté de l’Océan. La presse immédiatement était élogieuse. Le tirage s’épuisait en quelques jours. Réédition. Malcolm, l’éditeur, devenait amical, fraternel même, proposait un nouveau contrat. Des lecteurs écrivaient. Allen, pour lire leurs lettres, s’installait dans l’un des bureaux de la maison d’édition, petite pièce vide, encombrée de dossiers et de livres. Elle donnait sur une cour sombre, un puits. À travers les cloisons, Allen entendait la cadence régulière des machines à écrire, les bourdonnements des sonneries du téléphone. Il aimait cette pièce – cette halte – un alvéole calme entouré de bruits. Il recevait une dizaine de lettres par jour. De jeunes écrivains qui vivaient l’expérience de la solitude et de la misère, des mères qui parlaient d’un fils mort puisque, au cœur du roman, apparaissait une fois encore Jim, frappé au front. Souvent Allen interrompait sa lecture, faisait pivoter le fauteuil, se plaçait le dos à la porte, regardait ses façades noires qui fermaient la cour. Le temps passait. Et il y eut un jour une lettre de l’hôpital de San Diego, signée du médecin-chef, quelques lignes dactylographiées :
    Monsieur,
    Nous avons le regret de porter à votre connaissance le décès survenu le 28 juin 1927 de John Gallway, âgé de cinquante-neuf ans, né à San Francisco. Il avait déposé une lettre à votre intention. Nous vous prions de la trouver ci-jointe.
    John Gallway avait été recueilli dans notre hôpital en qualité d’indigent. Les soins qui ont nécessité sa maladie ont occasionné une dépense de 137 dollars 27 cents.
    Bien qu’aucune disposition légale ne vous contraigne à prendre en charge cette somme, toute contribution de votre part permettrait de secourir d’autres malades dans le besoin.
    Croyez…
    Simplement comme si quelqu’un frappait les yeux d’Allen, comme si on lui donnait un coup de genou dans le sexe et qu’on recommençât pour qu’il pleure et crie, se courbe. Il

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