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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de quitter Southampton, je l’ai vue sur le pont, elle était déjà une autre femme, le visage – Allen serrait le poing pour montrer le visage d’Evguenia Spasskaia qui se refermait – j’ai un peu parlé avec elle, quelques mots. Elle est morte au cinquième jour. »
    Allen s’arrêtait, saisissait Tina aux épaules. « Vous savez de quoi elle est morte ? Déracinée, sa fille restée là-bas. Fragile, fragile, on croit que les gens sont forts, mais non, ils sont rongés. »
    — Vous n’êtes pas gai, disait Tina, vous avez un peu d’alcool chez vous ? Brr, vous me donnez froid.
    Ils s’étaient assis dans la grande pièce de l’appartement de Bedford Street qu’Allen venait d’acheter, et ils avaient bu, silencieusement, montant sur la terrasse pour voir le ciel blanchir.
    — Je vais rentrer, disait Tina.
    Allen venait vers elle, la serrait contre lui sans l’embrasser.
    — Couchez ici, disait-il – il lui clignait de l’œil – moi, je couche en bas. O.K . ?
    Quand elle descendit au milieu de l’après-midi, Allen tapait à la machine, les cheveux sur le front, enveloppé d’une vieille robe de chambre grise, les jambes serrées dans une couverture. Tina riait en le voyant, il hésitait un instant, riait à son tour.
    — J’ai froid, quand j’écris j’ai toujours froid. Bowler, vous le connaissez ? Il dit qu’écrire, c’est choisir d’être un nouveau-né, alors je m’emmaillote.
    Tina fit du café, lui en apporta une tasse.
    — Je ne peux pas me lever, je suis nu dessous.
    Ils rirent encore.
    Ils firent l’amour plus tard, dans la lumière violette du crépuscule, avec des gestes lents et tendres, Tina se rhabillant aussitôt, disant : « je ne voulais pas, pas maintenant, je regrette ».
    Elle allumait une cigarette, s’asseyait sur la terrasse. Elle parla sans le regarder.
    — Quand on fait l’amour, entre un homme et une femme, finie l’amitié. On devient un couple, une famille, on s’enlise, ou bien on ne réussit pas à vivre ensemble, et on ne se voit plus, par dépit, regret.
    Elle se levait.
    — Ou un peu de honte d’avoir été trop loin, d’avoir couché.
    Elle ne l’embrassait pas en partant, dérobait son regard, ne répondait pas quand il lui demandait s’ils pouvaient se rencontrer à nouveau, puis sur le palier, comme Allen restait sur le pas de sa porte :
    — Vous vous croyez obligé de me revoir, disait-elle. Moi, je ne vois un homme que si je l’aime, et s’il m’aime, et vous ne m’aimez pas, Allen, je vous suis sympathique peut-être. À un de ces jours.
    Vide, si vide la grande pièce, la terrasse, après que Tina fut partie.
    Écrire, mais sa présence comme un voile opaque entre Allen et les mots, l’envie de s’interrompre, d’aller s’asseoir sur la terrasse, d’essayer de se souvenir de la manière dont Tina marchait, dont elle occupait l’espace, pas très grande cependant mais elle le faisait vivre, d’un mouvement de tête rejetant ses cheveux de part et d’autre de son visage anguleux.
    Allen téléphonait à Malcolm.
    — Deutcher, Tina Deutcher, disait en riant Malcolm, méfiez-vous, Allen, fantasque, la plus fantasque des filles que j’aie vues. Indépendance, c’est son grand mot. – Malcolm se taisait, soupirait. – Je vais vous avouer, oui, autant le dire, entre Tina et moi, il y a deux ou trois ans, je n’en suis pas encore tout à fait remis, elle se dérobe, Allen, et vous pouvez tout lui promettre, cela ne sert à rien…»
    Allen lui avait téléphoné chaque jour durant trois semaines. Sonnerie qui rebondissait sur le silence. Une seule fois il avait pu lui parler mais quelques phrases de Tina l’avaient tenu à distance.
    « Comment allez-vous, Allen, vous travaillez ? N’oubliez pas de m’envoyer votre prochain livre. »
    Il le lui devait. Elle avait surgi comme l’un de ses personnages et, jour après jour, mot après mot, elle envahissait son manuscrit, le premier roman d’amour qu’écrivait Allen Roy Gallway.
    Un matin, quelques mois plus tard, elle téléphona, « On me dit à la rédaction que vous partez pour quelques jours, vous faites un reportage pour nous, maintenant ? Chicago, Détroit, les chômeurs, et si je partais avec vous ? »
    Hâte de prendre la route avec Tina, d’affronter son regard ironique, plein de défi, de la voir se pencher à la portière, laisser ses cheveux aller dans le vent tiède de l’automne des grandes plaines. Ne pas comprendre quand

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