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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Karin marchaient à ce moment-là à pas lents dans le jardin de la maison paternelle à Munich. Ciel sans brisure, étouffé par le brouillard et la bruine, Greta Menninger venait de mourir à son tour après Ludwig.
    Inge et Karl s’étaient retrouvés face à face, dans le salon, près du piano, seuls avec les objets devenus informes, tués à leur tour par la mort de ceux, le père, la mère, qui avaient eu pouvoir de les faire vivre. Les objets comme la plus poignante présence de la mort, preuves de la fin des existences.
    Ernst Klein et Karin se tenaient à l’écart, étrangers à ce silence du frère et de la sœur. Puis quand Dietrich – il avait alors deux ans à peine puisque la mort de sa grand-mère Greta s’était produite le jour même de son anniversaire, le 5 mars 1927 – était entré dans le salon, Karin avait pris son fils par la main, le conduisant dans le jardin et Karl les avait rejoints peu après. Karin s’appuyait au bras de Karl.
    — Ernst, Ernst, disait-elle, ton beau-frère te ressemble. Je suis sûre que Inge, sans le savoir, l’a aimé pour cela. Vous êtes si unis l’un et l’autre.
    — Par eux, disait Karl, par eux.
    Il montrait la maison familiale, il lui semblait entendre la voix de sa mère qui les appelait lui et Inge. En lui, la tentation, un instant, de s’élancer comme autrefois, vers le portail, peut-être était-ce le jour du retour du père, quand il arrivait de Saint-Pétersbourg, qu’il disait, si le ciel était à la neige : « C’est moi qui vous apporte ce ciel-là, ces flocons je les fabrique là-bas. » Inge bondissait sur les genoux de son père, Karl se tenait près de lui.
    — Il va neiger, dit Karl abandonnant le bras de Karin, se dirigeant vers l’extrémité du jardin.
    Mais Dietrich s’accrochait à lui, tendant ses bras pour que Karl le soulève, le porte. Karl tenait son fils contre lui, en retournant vers la maison. Sur le seuil, Ernst Klein. Plus trapu que Karl mais il avait le même visage osseux, les cheveux blonds coupés ras sur les tempes et la nuque.
    — Combien de mois de front ? avait demandé Klein.
    Karl avait posé son fils à terre mais Klein, brusquement, cessait de regarder Karl, de l’écouter. Il s’accroupissait, parlait d’une voix tendre à Dietrich.
    — Tu es mon neveu, est-ce qu’on te le dit ? – Il se redressait. C’est le seul garçon de nos familles, ajoutait-il. Il demeurait un moment silencieux, reprenait plus lentement :
    — Le front, oui, vous vous êtes engagé, m’a dit Inge. Et maintenant ?
    Les garnisons, la guerre sordide et humiliante de Hambourg, les barricades à démanteler, le feu à ouvrir sur ces ouvriers communistes qui rejetaient le Reich. L’humiliation d’une défaite dont l’armée n’était pas responsable.
    Karl Menninger avait parlé avec colère, ces années de pourrissement et d’attente après la tension du front l’avaient rendu amer.
    — Qui se soucie de l’Allemagne maintenant ? continuait Karl. Des marchands, nous sommes aux mains des marchands.
    Dietrich courait dans le jardin, Inge et Karin chuchotaient au salon avec Ilse et Leni, les deux filles de Inge.
    — Voyons, voyons, avait dit Klein. Je vous trouve bien désespéré, Menninger. Je comprends cela aujourd’hui, vous êtes sous le coup de ce deuil. Le décès d’une mère cela nous atteint au cœur. Mais croyez-vous vraiment que l’Allemagne et son armée puissent mourir ?
    Il entraînait Menninger dans le jardin, lui serrait le bras au-dessus du coude.
    — Les hommes disparaissent, Menninger. Les principes demeurent. L’Allemagne et l’armée sont un principe d’unité. Un jour ou l’autre, ils s’imposeront.
    Ils ne s’étaient pas revus durant plusieurs années.
    Quand Karl interrogeait sa sœur qu’il rencontrait aux vacances à Munich, elle se dérobait. « Il t’expliquera, disait Inge. Il est toujours officier, bien sûr. » Inge refusait d’en dire plus. Elle avait adhéré au parti nazi en 1923, jouait à la détentrice de secrets, à l’héroïne. Au moment de l’occupation de la Ruhr, les Français l’avaient arrêtée à Essen alors qu’elle transportait des tracts nationalistes, puis expulsée miraculeusement au lieu de la juger.
    Quand elle discutait avec Karl, elle redevenait la sœur aînée, prétentieuse et irritante.
    — Vous autres de la Reichswehr, Ernst comme toi Karl, vous ne comprenez pas le sens du combat des nazis…
    Karl savait ainsi que son

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