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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’ambassade, détenaient tous les secrets du Reich.
    Elle insista longuement avant d’être reçue au dernier étage du ministère de la Guerre par un commandant au visage juvénile. Il l’invitait à s’asseoir devant la fenêtre d’où l’on apercevait les arbres du Tiergarten, consultait silencieusement un dossier puis, après l’avoir dévisagée, il l’interrogeait en anglais, lui offrait une cigarette. Il continuait la conversation en allemand et elle répondait naturellement, jusqu’à ce qu’il l’interrompe pour s’étonner :
    — Mais vous êtes allemande, n’est-ce pas ?
    Elle secouait la tête, riait, heureuse de la confusion :
    — Mon père était allemand, ma mère hollandaise.
    — Vous êtes allemande, répéta l’officier.
    Quand elle affirma à nouveau avec force qu’elle était américaine, il fit une moue un peu ironique.
    — Est-ce vraiment une nation, dit-il ? Si jeune encore. Vos racines sont ici, il suffit de vous entendre parler votre – il insista – langue. Celle de votre père.
    Elle protesta cependant qu’il l’observait avec une bienveillance hautaine et amusée.
    — Votre carte de presse, bien sûr, dit-il en se levant.
    Il la raccompagnait dans le hall du ministère où les plantons et les sentinelles saluaient avec la mécanique rigueur des automates. L’officier claquait des talons devant Tina en s’inclinant. « Si vous le permettez, disait-il, ma femme et moi serions très heureux si…»
    À la fin juillet, Tina Deutcher reçut une invitation à dîner, 9 Taubenstrasse, chez Madame et le commandant Karl Menninger.
    Les réceptions du commandant Karl Menninger faisaient partie de ses fonctions au ministère de la Guerre.
    Karl et Karin se tenaient dans l’entrée pour accueillir leurs invités qu’annonçait avec solennité un soldat tête nue. Karin, les épaules découvertes, un châle de tulle blanc noué autour de son cou, souriait avec timidité, tendait sa main à Kostia Loubanski, premier secrétaire à l’ambassade soviétique à Berlin, au commandant Leroy, attaché militaire français, aux autres invités, des journalistes étrangers, un diplomate de la Wilhelmstrasse. Elle disait quelques mots d’une voix grave qui paraissait émue, accompagnait les invités au salon. On la devinait fragile et dans cet appartement compassé, au milieu de ces personnages officiels qui s’observaient l’un l’autre, à l’affût d’une information, d’une confidence, elle était la vie vraie qui par ses hésitations faisait naître la confiance, favorisait les conversations détendues, celles précisément que Karl Menninger souhaitait.
    Très tard dans la nuit, les invités étant partis, ne restaient au salon que Karl, Inge et Ernst Klein. Karin faisait apporter une bouteille de champagne. Elle s’asseyait sur l’accoudoir du canapé, près de Karl, elle attendait que le serveur se fût éloigné pour soupirer, boire la coupe d’un seul trait, rire.
    — Je vous en prie, Ernst, disait-elle, faites nommer Karl dans la plus petite garnison de Poméranie.
    — Tu étais parfaite, murmurait Inge, sans toi…
    Karin buvait une nouvelle coupe, se laissait aller contre l’épaule de Karl.
    Klein se levait, présentait sa coupe à Karin.
    — Chère belle-sœur, disait Klein, grâce à vous ces soirées sont parfaites, et il n’est pas question que Karl quitte le ministère. Mes affections à votre fils, ajoutait-il en souriant. Dites à ce garnement que je l’attends dimanche.
    Il embrassait tendrement Karin sur les joues, saluait Karl d’une inclinaison de tête.
    — Je vous vois demain, Karl.
    Au ministère, Karl n’était plus que le commandant Menninger et dans le bureau du colonel Klein, en présence des autres chefs du service de renseignement de l’armée, il faisait son rapport sur la soirée comme si Klein n’y avait pas assisté. Personne n’eût pu deviner qu’il y avait entre eux des liens de parenté.
    C’est Klein cependant qui avait fait affecter Menninger à l’Abwehr.
    Il l’avait convoqué au mois de février 1933, quelques jours seulement après la désignation de Hitler comme chancelier du Reich.
    Karl Menninger et Ernst Klein se ressemblaient d’une manière si troublante que Karin, la première fois qu’elle avait vu Ernst, n’avait pu demeurer longtemps en sa présence. Il était comme le double vieilli de Karl. Elle avait essayé d’expliquer cela à son mari mais Karl l’écoutait-il ?
    Karl et

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