Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
s’interrompit à son tour, changea de ton.
    — Voulez-vous que nous dînions ensemble ? Ce soir ?
    Ils ne se quittèrent pas. Nouveau café, puis Closerie des Lilas, côté brasserie. Ils se touchaient de l’épaule, du genou, elle racontait ses dîners d’après les concerts, cet ennui. Il la regardait avec une telle intensité qu’elle avait le sentiment d’être enfermée dans ses yeux, et elle s’écartait alors de lui, avait un mouvement des épaules, comme un frisson, sursaut de son corps pour affirmer qu’elle restait elle-même, qu’elle refusait de se soumettre à Serge dont la présence pourtant lui donnait une paix qu’elle n’avait jamais éprouvée.
    Peu avant la fin du repas, elle se leva s’appuyant à l’épaule de Serge, laissant un moment sa main ainsi, près de son cou. Elle téléphona à sa mère quelques mots brefs, « je ne rentre pas cette nuit », Nathalia Berelovitz commençait une longue lamentation sur l’ingratitude de sa fille. Sarah répétait simplement « je ne rentre pas, à demain ». Elle raccrochait.
    Du seuil de la brasserie, elle apercevait Serge, il fumait d’un air distrait, la nuque posée sur le dossier de la banquette, et cette attitude contrastait avec la raideur de ses vêtements, un costume sombre, presque noir. Elle s’assit près de lui et ils se regardèrent longuement sans rien dire, puis il lui mit le bras sur l’épaule.
    — Nous restons ensemble ? murmura-t-il.
    — Vous êtes toujours curieusement habillé, dit-elle. Quand vous m’avez écrit, j’ai tout de suite pensé à ce gilet que vous portiez, vos vêtements…
    Elle écartait du bout des doigts la veste de Serge, elle se penchait ainsi, le visage contre sa poitrine.
    — Vous voyez, dit-elle, vous avez encore un gilet.
    Elle avait parlé très bas. Il l’aidait à se lever et dès qu’ils furent debout, il lui entoura la taille, glissant son bras sous la cape de tissu vert. Sarah avait une curieuse impression, il lui semblait que son corps s’assouplissait, qu’elle ressentait au contact de Serge ce que seule la musique lui avait donné, le désir de se lover dans l’espace, de s’y détendre, et d’y ondoyer. Quand elle jouait, elle était ainsi, à partir de ses doigts, tout entière mouvement, elle jouait avec la nuque et les cheveux, les seins et le sexe, mais le concert terminé, elle redevenait raideur, engoncée à nouveau dans les gestes mécaniques de la vie.
    Quand Serge la tint par la taille, elle eut la même sensation qu’au moment où elle faisait vibrer les premières touches. Ils ne parlèrent plus, restèrent l’un contre l’autre dans le taxi. Devant la porte de l’immeuble de la rue de Tournon, Sarah dit :
    — Vous êtes déjà venu là, n’est-ce pas ? Souvent ?
    Il eut une expression gênée et coupable. Sarah secoua la tête, s’écarta de lui.
    — Non, dit-elle, non, je préfère l’hôtel.
    Ils longèrent la rue de Vaugirard, séparés, Sarah hésitant à chaque pas à poursuivre, se répétant maintenant qu’elle ne sentait plus sa présence, que son corps avait repris sa lourdeur quotidienne, « à quoi bon ? ». Elle marcha plus vite, comme si elle était seule rentrant chez elle rue d’Assas, et c’était la direction.
    Tout à coup, il lui prit la main, la força à s’arrêter, à venir contre lui.
    — Écoutez-moi, dit-il.
    Leurs corps reprenaient le dialogue interrompu.
    Ils entrèrent à l’hôtel des Provinces Unies, réveillèrent le gardien, durent remettre leurs papiers d’identité, payer la chambre. « Vous comprenez, si vous partez au milieu de la nuit, j’aime autant. » L’homme comptait et recomptait les pièces, lisait les fiches, disait en bougonnant.
    — Berelovitz, c’est pas un nom français, ça.
    La chambre vaste, simple. Sarah ouvrit la fenêtre. La rue vide et au delà les arbres du Luxembourg. Serge vint près d’elle. Il n’avait laissé allumé que la veilleuse à la tête du lit.
    — Imaginons que nous sommes très loin, dit-il.
    Elle le devinait inquiet et elle l’était aussi. Trop brusques ces retrouvailles qui étaient une première rencontre, les autres si brèves, si lointaines. Elle sentait que s’ils continuaient de parler, ils allaient se perdre. Elle ferma la fenêtre, jeta sa cape sur le fauteuil, s’assit sur le lit. À lui de faire les premiers gestes. Il hésitait, puis elle le vit qui s’approchait. Elle ferma les yeux.
    Dans la nuit, quand ils étaient

Weitere Kostenlose Bücher