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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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libre l’avenir. Lehaim, lehaim.
    Serge avait retenu un appartement au dernier étage d’un immeuble du quai de Béthune, dans l’île Saint-Louis.
    — La Bibliothèque Polonaise n’est pas loin, disait-il, en ouvrant les fenêtres.
    Sarah, de l’île, aimait le calme nostalgique, le silence au bord de la tristesse, l’ailleurs qu’elle préservait au cœur pourtant de la ville.
    Dès les premiers pas dans l’appartement, elle sut qu’il serait le leur pour des années. Une grande pièce donnait par quatre hautes fenêtres sur le quai et la Seine, deux petites chambres ouvraient sur une cour fleurie et pavée.
    — Tu aimes ? demanda Serge.
    Elle avait déjà choisi la place du piano, dans l’angle de la pièce en façade. De là elle voyait Notre-Dame. Elle s’assit par terre, le dos au mur, Serge demeurant debout devant elle.
    — Vous aimez ? Vraiment ?
    Il recommençait à la vouvoyer.
    Elle lui entoura les jambes, le força à s’agenouiller devant elle.
    — Je t’ai dit, chuchota-t-elle, j’aime, j’aime vraiment, laisse-moi tout arranger, tu acceptes ?
    Il commençait à l’embrasser. Ils s’allongeaient l’un près de l’autre dans la poussière de l’appartement vide.
    Mietek, quand il vit l’appartement installé, prit Sarah par la taille, la souleva :
    — Voilà, lança-t-il, voilà ce que je voulais pour toi. Pas une cage, mais de l’air, du volume, andante. Seulement quelques meubles dans les pièces, les murs blancs, des tapis, un piano, des fleurs.
    Cet appartement, pour Serge et Sarah, ce fut la rade après le large.
    Ils rentraient à Paris, lui de ses missions, elle de ses tournées, sans savoir si l’autre s’y trouvait. La concierge renouvelait les fleurs et bientôt s’occupa du chat – Do – que Sarah avait recueilli errant sur les quais. Dès qu’elle avait franchi le seuil et poussé les volets toujours entrouverts Sarah était en paix. Elle s’allongeait sur un tapis près de la fenêtre, elle suivait le mouvement d’une péniche, ou bien les variations de la couleur de la Seine selon l’humeur du ciel. Puis elle se mettait sur le dos, le chat s’approchait en ronronnant.
    — Viens, Do, murmurait-elle.
    Do lui léchait la joue, le nez, petits coups de sa langue râpeuse. Il se frottait à son menton, s’installait entre ses seins. Sarah restait ainsi une heure ou deux. Elle s’étirait, ouvrait son courrier, revivait les moments de sa tournée : David Wiesel qu’elle voyait à Varsovie chaque fois qu’elle y donnait un concert ; ce qu’il lui avait laissé entrevoir de son activité politique, sa générosité, sa révolte devant la misère, ces enfants qu’il soignait dans la banlieue ouvrière, ceux du ghetto. « Comme juif, Sarah, comme médecin, et comme pédiatre surtout, disait-il, je ne peux être que révolutionnaire, je ne peux que vouloir changer le monde. Il est horrible, Sarah, horrible, il faut que tu le saches ». Il lui avait parlé dans son cabinet de travail, s’adossant à la bibliothèque. « Personne ne me soupçonne ici, mais…» D’un mouvement de la main, il avait sous-entendu qu’il raconterait à Sarah, peut-être un jour, puis il avait ajouté : « Tu pourrais beaucoup nous aider. » « Qui nous ? » avait interrogé Sarah. Il avait refusé de s’expliquer. « Plus tard, plus tard, si toi-même tu trouves le chemin de la révolte, tu me parleras et je te donnerai la possibilité d’agir…»
    Quand elle avait ainsi, en quelques heures, en quelques gestes – augmenter le chauffage, préparer du thé dans la petite cuisine qui donnait sur la cour – repris pied dans ses habitudes, elle appelait sa mère. Elle allumait une cigarette, laissait passer le tumulte des questions, des récriminations, interrompait les plaintes. « Demain, maman, demain, nous déjeunerons à la Coupole, tu veux bien ? » Il fallait supplier Nathalia Berelovitz : elle ne pouvait plus sortir, disait-elle, elle avait des rhumatismes, elle suivait un régime sévère, Lazievitch était très préoccupé de son état de santé, il n’expliquait rien, mais Nathalia sentait bien qu’il s’inquiétait pour elle.
    — À demain, maman, je t’embrasse.
    Puis Sarah téléphonait chez Serge.
    Lucia Cordelier la reconnaissait aussitôt. « Sarah, ma chère Sarah, vous êtes rentrée, j’ai lu dans le Temps que votre concert à Varsovie a été un véritable triomphe, un de plus. » Lucia parlait longtemps avant de dire :

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