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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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« Serge, écoutez, je ne sais pas, il était à Washington, pour le ministère…»
    Un peu de tristesse d’apprendre l’absence de Serge, vite dissipée. Sarah faisait couler un bain, se mettait au piano, pour elle seule, sans souci de répétition, pour dire sa joie d’être rentrée. Lehaim, lehaim.
    Serge souvent la surprenait.
    Quand il était à Paris, il passait presque chaque jour quai de Béthune, pour voir Do, retrouver la présence de Sarah. Mais il ne couchait pas seul dans l’appartement, retournant rue de Tournon, ou quelquefois encore rue de Médicis chez ses parents, comme un vieux garçon. Sarah l’entendait ouvrir. Il l’appelait, mais elle ne bougeait pas, allongée sur le tapis, ou bien somnolant dans son bain. Il entrait, s’immobilisait.
    — Je savais, disait-il.
    Elle riait.
    — Vous ne saviez rien, vous dites cela à chaque fois et comme vous venez très souvent ici, un jour bien sûr, je suis là.
    — Ne me croyez pas, mais je savais.
    Il s’approchait. Ils étaient timides comme à leur première rencontre. Il lui effleurait la joue.
    — Votre tournée ? demandait-il. Satisfaite ?
    Elle faisait la moue pour lui dire que leur séparation avait été longue, qu’elle était heureuse de le retrouver.
    — Vous ? interrogeait-elle. Paris ? Ces voyages ?
    Il s’asseyait sur le rebord de la baignoire et elle souriait de son costume strict, de sa pochette assortie à la cravate, de sa chemise à fines rayures grises.
    — Vous faites de plus en plus diplomate, disait-elle en pouffant.
    Elle le provoquait parce qu’elle aimait ses élans, qu’elle le savait capable de la tirer hors de la baignoire, de se serrer contre elle et elle criait en riant.
    — Serge, Serge, vous êtes quelqu’un de très digne, vous appartenez au Quai d’Orsay.
    Il la soulevait, la portait jusqu’à la chambre.
    — Vous avez froid, disait-il, je vais vous coucher.
    Ils sortaient rarement ensemble. Serge Cordelier devait participer à ce qu’il appelait « ses dîners de cirque ». Sarah attendait en lisant qu’il revînt de telle ou telle ambassade. Il s’installait sur le divan, près d’elle, soupirait.
    — Ces réceptions, disait-il, ces hommes publics, quelle farce. – Il allumait une cigarette, lui en tendait une. – Mais je suis un acteur, n’est-ce pas ?
    Il se penchait, traduisait le titre allemand du livre que Sarah lisait.
    — Drôle de lecture, quelle idée !
    Sarah commençait à parler de David Wiesel, de ce qu’il lui avait dit du mouvement nazi, de l’antisémitisme d’Adolf Hitler.
    — Vous devriez lire Mein Kampf, Serge, vous d’abord, un diplomate.
    Serge haussait les épaules, marchait dans la pièce.
    — Les hommes politiques écrivent beaucoup avant de parvenir au pouvoir, et pas un ne respecte ce qu’il promet et, après, aucun ne dit réellement ce qu’il a fait, lisez les mémoires de Poincaré et vous verrez si je me trompe.
    Elle essayait de le convaincre, de lui faire partager l’angoisse que lui avait communiquée David Wiesel. Il parlait de la guerre, de la peste brune, de la crise économique qui allait, comme une vague couronnée d’écume, porter, de pays en pays, la violence.
    — Le capitalisme, disait-elle, a besoin de cela ; le fascisme, le nazisme ce sont ses gendarmes.
    Serge s’arrêtait en face d’elle.
    — Mais vous parlez comme une communiste, Sarah, c’est trop drôle.
    Elle fermait le livre posément, allumait à son tour une cigarette.
    — Moquez-vous, Serge, vous croyez la France à l’abri ? Voulez-vous que je vous raconte ?
    Sarah rencontrait chez sa mère Joseph Lazievitch. Un pansement entourait le front et le crâne du médecin.
    Nathalia Berelovitz tassée dans un fauteuil, murmurait :
    — Partout, partout, ils sont partout, mais pourquoi, que leur faisons-nous ?
    Sarah avait dit sèchement :
    — Maman, avez-vous fini avec vos lamentations ? On ne vous a rien fait à vous, alors ne pleurez pas, ne pleurez pas, je vous en prie.
    Elle écoutait le docteur Lazievitch. Une bande de jeunes étudiants en médecine, peut-être des royalistes, ou des adhérents de ces groupes fascistes qui paradaient au Quartier latin avec une canne plombée au poing, avaient poursuivi Lazievitch dans les rues proches de la Faculté. Ils l’avaient rejoint, rue des Quatre-Vents : « Youpin, métèque, empoisonneur, vermine. » Ils hurlaient autour de lui. « Malades français, médecine française, dehors les

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