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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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renaissantes, enfantines, cavaliers cosaques dont il lui semblait entendre le galop sur les pavés. Varsovie, ville où elle pouvait le mieux découvrir, croyait-elle, ce qu’il fallait changer du monde pour que le malheur et l’injustice soient endigués.
    Souvent, elle passait plusieurs jours chez David Wiesel, jouant pour lui le soir, l’accompagnant à la clinique qu’il avait fondée dans le cœur du ghetto. Ils rentraient à pied, s’arrêtant pour suivre les nuages qui tout à coup voilaient la traînée laiteuse qui partageait le ciel. Elle s’asseyait près de David sur un banc de la place Tlomackie. Bruit de pas, klaxon lointain, roulement du train sur l’un des ponts de la Vistule.
    Là, avant de rentrer, David Wiesel dit à Sarah qu’il travaillait pour l’Internationale Communiste.
    — Je romps le secret pour toi, disait-il. Je viole les règles de l’organisation.
    Il parlait à nouveau de la guerre, du nazisme maintenant au pouvoir, des juifs battus, chassés d’Allemagne.
    — Une régression, reprenait-il, comme la montée du passé le plus barbare de l’humanité. Il faut faire barrage partout.
    Il expliquait en médecin.
    — Le contrepoison secoue, c’est vrai, mais qu’ils trouvent autre chose, ceux qui nous condamnent…
    Sarah était rentrée à Paris la tête pleine de ses phrases. Elle tentait de faire partager son inquiétude et ses choix à Serge mais il avait le scepticisme distingué de ceux qui ne sont pas directement menacés.
    — Déjà au Moyen Âge, reprenait-il…
    Elle l’interrompait, s’installait au piano, regardait Notre-Dame, les façades illuminées de la rive gauche, la courbe qu’elles dessinaient et leurs reflets sur l’eau.
    À quoi bon lui parler. Il ne savait pas déchiffrer la partition.
    Il sentait pourtant qu’elle lui dissimulait, pour la première fois, une part d’elle-même. Il venait près du piano, lui prenait le poignet, l’empêchait de continuer à jouer.
    — Sarah, dis-moi, tu…
    Il s’interrompait, hésitait à poursuivre :
    — Vous avez quelque chose…
    À quoi bon lui parler.
    S’il fallait le secret, plus tard, qu’il ne sache rien dès maintenant.
    Après les événements du 6 février 1934 – ils avaient vu en sortant de l’Opéra des groupes de manifestants envahir les grands boulevards, arracher les plaques de fer qui entouraient les platanes, immobiliser les autobus et les incendier – il s’étonna de son apparente indifférence.
    — Vous qui vous passionniez, disait-il, je ne comprends plus, il y a un risque de guerre civile ici, en France, je vous l’accorde, j’étais aveugle, et maintenant vous vous désintéressez.
    Sarah souriait. Elle donnait un concert à Varsovie au mois de mai 1934, le 21. Ce jour-là, elle dirait à David Wiesel qu’elle était prête à agir, comme lui. Il lui avait expliqué : « Les tournées peuvent être un excellent moyen de prendre des contacts. Tu es insoupçonnable…»
    Elle le vit à Varsovie, comme prévu. Elle s’engagea comme elle l’avait décidé.
    — C’est ta vie que tu mets en jeu, toute ta vie, disait Wiesel.
    Elle ne répondait même pas, se contentant de lui serrer la main. Il l’embrassa sur la joue.
    — Camarade Berelovitz, dit-il.
    Elle devait, le 30 juillet, à Berlin, Oberwallstrasse, un chapeau de pluie sous le bras, à minuit quinze, répondre à celui qui dirait : « vous craignez la pluie », « je ne crains que les pianos désaccordés ».
    Elle commença à rire, mais le visage de David Wiesel était si grave qu’elle s’interrompit sans cesser cependant d’être joyeuse.
    Une autre vie commençait qui la lierait, elle en était sûre, comme la musique, à un monde profond et secret où ne pénètrent que les initiés.
    Du rendez-vous de Sarah Berelovitz et Kostia Loubanski dans la nuit orageuse du 30 juillet 1934, à Berlin, Oberwallstrasse, de cette entrée de Sarah Berelovitz dans le labyrinthe, Serge Cordelier ne savait rien. Mais il avait appris par une dépêche parvenue au Quai d’Orsay le 29 au matin l’annulation du concert que Sarah devait donner au Schiller Theater.
    L’ambassadeur de France écrivait :
    Après les événements des dernières semaines, la liquidation de toute velléité d’opposition à l’intérieur du mouvement nazi et notamment parmi les membres des Sections d’Assaut, le gouvernement du Reich cherche à rassurer l’opinion internationale en montrant qu’il est parfaitement maître

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