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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Lee Lou Ching n’avait pas réussi à rejoindre son village. Il avait vécu avec un groupe d’enfants abandonnés qui se terraient le jour dans les fossés et la nuit, malgré la surveillance des paysans, pillaient les enclos et les champs. Les villageois organisèrent une battue, et Lee n’eut que le temps de s’enfuir, marchant encore, s’arrêtant près de cette colline creusée de galeries parce que l’Européen qui dirigeait les travaux lui rappelait celui qui avait donné sans rien exiger, cet objet rond et brillant qui scandait le temps.
    Giulio avait dit :
    — Tu restes avec moi.
    Giulio se rappela qu’enfant il aimait à s’approcher d’un clochard qui vivait dans le Forum. Lucia avait peur mais Giulio, dès qu’il apercevait cet homme à la tête coiffée d’un turban fait de chiffons, obligeait sa sœur à s’avancer vers celui qu’il avait nommé l’oiseleur. Le clochard était toujours entouré d’oiseaux. Ils étaient perchés sur le turban, ils voletaient autour des lèvres, semblant les embrasser, ils se juchaient sur ses épaules ou bien prenant un instant appui sur le bout de ses doigts, ils picoraient dans sa paume. L’oiseleur, l’enchanteur. La bonne de Giulio et de Lucia expliquait que dès qu’il était seul le clochard se saisissait des oiseaux, qu’il les étouffait dans sa musette et les mangeait, ogre nocturne. Lucia croyait cette fable mais Giulio l’avait toujours réfutée. L’homme avait une manière si tendre, si sensible de siffler imitant le pépiement, que Giulio était sûr qu’il était le protecteur des oiseaux, un roi bienveillant qui les nourrissait et l’hiver, allumant un feu, les recueillait, les protégeant du froid et des chats.
    Giulio en s’enfonçant dans la galerie de sa fouille se mit à raconter cette histoire à Lee Lou Ching qui le suivait, portant la lampe à huile.
    — Je suis l’oiseleur, dit Giulio en posant sa main sur la nuque de Lee, tu es un oiseau.
    Il pensa à Dolorès qu’il n’avait plus revue depuis son départ d’Amérique. Jeune fille déjà dont il savait qu’elle étudiait dans l’un des collèges religieux de Buenos Aires parce que Maître Trevijano s’était installé dans la capitale argentine et qu’il avait estimé – avec l’accord de Giulio – que l’éducation de Dolorès serait d’une meilleure tenue dans une ville ouverte sur l’océan qu’à La Paz, recluse et montagnarde.
    — Tu veux venir avec moi à Shanghai ? interrogea Giulio.
    Lee Lou Ching s’était immobilisé à quelques pas derrière Giulio Bertolini. La galerie à ce point devenait un boyau étroit où l’on ne pouvait avancer à deux de front. De part et d’autre, contre les parois, les stèles, les statuettes et les urnes funéraires que Giulio avait mises au jour les mois précédents. Mais une intuition l’avait conduit à creuser plus loin, plus profond aussi, parce que la terre est une mémoire et qu’il ne concevait pas que, sous cette nécropole, il n’en existât pas une autre plus ancienne encore, et ainsi jusqu’à l’origine du monde, le premier cri de l’histoire.
    — Tu étudieras, dit Giulio en s’agenouillant à l’entrée du boyau, en commençant à déblayer le terrain avec ses paumes. Éclaire-moi.
    Lee se mit à genoux, tenant la lampe levée.
    — Bientôt, continua Giulio, tu comprendras ma langue, celle des hommes comme moi, et tu pourras un jour visiter mon pays, puis revenir ici.
    Giulio se tourna. La lampe éclairait le visage de Lee Lou Ching à la hauteur des yeux, laissant dans l’ombre la bouche, les pommettes et le front, les yeux seuls noirs et vifs. Quel âge avait cet enfant ? Les naissances dans le village, personne ne savait avec précision quand elles avaient eu lieu. Les paysans disaient « il y a trois hivers », ou bien « à la saison où germe le riz ». Mais les parents morts, qui se souvenait ?
    — Tu apprendras, dit Giulio, qu’il est un dieu qui a crée le monde, ton village, ma ville.
    Brusquement Lee Lou Ching appuya son front sur l’épaule de Giulio et resta ainsi quelques secondes.
    — Éclaire-moi, dit Giulio, éclaire-moi.
    Il se mit à creuser avec une petite pelle, s’interrompant quand il sentait une résistance, continuant alors avec les doigts. Une fine poussière commençait à obscurcir la lumière de la lampe.
    — Tu étudieras, dit Giulio à mi-voix. Je suis l’oiseleur.
    Sous ses doigts, il sentit comme deux nervures, puis une sphère

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