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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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la naissance de son premier enfant, une invitation pour la première d’une pièce de Luigi Pirandello, dans laquelle jouait un ancien du conservatoire. Nathalia ne recollait les enveloppes que lorsqu’elle était seule dans l’appartement. Elle les glissait au-dessus de la pile, sur le piano, près du grand vase qu’elle plaçait là quand Sarah était en tournée. Un matin, la concierge frappa, dit : « La voilà, une lettre, vous voyez que vous en avez. »
    Nathalia vit le timbre allemand surchargé de chiffres représentant plusieurs millions de marks, mais elle ne reconnut pas l’écriture. Madame Tureau s’approchait « C’est Mademoiselle Sarah ? » demandait-elle. « Je… commença Nathalia, il me semble. » Elle avait vu pourtant « Madame Sarah Berelovitz ». Elle posa la lettre à part, sur le bord du piano et toute la journée, elle fut attirée par cette enveloppe. Elle avait réussi à lire le nom de la ville d’origine, Essen. Le soir, au lieu de s’asseoir dans le grand salon, elle s’installa sur le tabouret du piano ; Madame Tureau allait et venait : « Vous ne vous couchez pas, Madame Berelovitz ? demandait-elle. Vous voulez une tisane ? » En se levant, Nathalia prit la lettre avec elle. « Je me couche », dit-elle. Dans sa chambre, elle la posa sur sa coiffeuse, l’approchant de la lampe pour tenter de lire par transparence. Mais la lettre devait être longue, le papier plié plusieurs fois. Demain matin, pensa Nathalia, il faut que je la lise. Qui sait ce qui est arrivé à Sarah. Elle se coucha, ne réussit pas à s’endormir, entendit des chuchotements dans l’entrée, se leva. Sarah était là, un chapeau à très large bord lui masquant le visage. Elle portait une cape noire à col de fourrure et une robe blanche en soie – elle a froid, se dit Nathalia en avançant vers sa fille, elle va être malade – et un foulard noir aussi dont les deux brins retombaient sur la poitrine. Madame Tureau parlait avec Sarah et toutes deux n’avaient pas vu Nathalia. « Votre mari, Monsieur Charles, disait Madame Tureau…» Nathalia s’immobilisa. « Thérèse, dit Sarah – elle dénouait son foulard – ne me parlez plus de Monsieur Weber, voulez-vous ? »
    — Sarah, dit Nathalia.
    Elle ouvrait les bras, elle emprisonnait sa fille, la serrant contre elle.
    — Des semaines que tu ne donnes plus de nouvelles.
    — Je sais, maman, je sais.
    Sarah la repoussait calmement.
    — Mais tu vas comprendre, reprenait-elle en l’entraînant vers le salon. Ce n’est pas tous les jours qu’on quitte son mari, n’est-ce pas, maman ?
    Si simple de dire cela que Sarah s’en étonnait. Elle avait craint de rencontrer sa mère plus encore que d’affronter Charles, de lui expliquer qu’elle ne pouvait plus vivre avec lui ou même seulement préserver les apparences. Quand avait-elle pris la décision de lui parler ? Il semblait à Sarah qu’elle avait toujours su que son mariage serait bref, et quelquefois avec un profond sentiment de malaise, elle interrompait une répétition, elle s’avouait qu’elle ne s’était peut-être mariée que pour être sûre d’avoir raison, pouvoir embrasser librement les mains de Web, son front, connaître son corps, être vue de lui, user Web, vite, pour l’effacer. Il était comme une partition trop simple, l’une de celles que Sarah jouait deux ou trois fois avec tant de facilité que son professeur, un vieil Hongrois, s’exclamait : « Vous êtes avide, Sarah, que vous restera-t-il ? »
    Avec Charles Weber, elle avait patienté près de trois ans, jusqu’à ce mois de mai dernier, trois ans exactement elle s’en souvenait, puisque c’était au mois de mai 1920 qu’ils avait décidé de se marier, ce jour où dans la rue d’Assas, précisément, ils avaient rencontré ce jeune dandy… et Nathalia Berelovitz qui racontait à Serge Cordelier… La gêne que Sarah avait ressentie à ce moment-là, comme si son mariage avec Charles Weber devait être dissimulé comme une faiblesse. Elle, elle seule avait voulu que cette union demeure provisoire. Elle refusait de s’installer dans un appartement à eux. « Pour le temps que nous passons à Paris, disait-elle à Web, une chambre d’hôtel ou l’appartement de maman suffit. » Elle eût aimé qu’il résistât. Il se soumettait. Quand à la fin d’un concert on les félicitait et que le directeur du théâtre, au cours du souper qu’il offrait, précisait à ses

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