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Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
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a
sous le pont à fond de cale un endroit qu’on appelle la chambre de
proue, où on ne respire l’air que par un trou large de deux pieds
en carré et qui est l’entrée par où on descend en ce lieu. Il y
fait aussi obscur de jour que la nuit. Il y a au bout de cette
chambre deux espèces d’échafauds, qu’on appelle le
taular
,
sur lequel on met, sur le bois seul, les malades qui y sont souvent
couchés les uns sur les autres, et quand ils sont remplis, on met
les nouveaux venus sur les cordages… Pour leurs nécessités
naturelles, ils sont obligés de les faire sous eux. Il y a bien, à
la vérité, sur chacun de ces
taulars
une cuvette de bois,
qu’on appelle
boyaux
, mais les malades n’ont pas la force
d’y aller, et d’ailleurs elles sont si malpropres que le choix en
est assez inutile. »
    « On peut conjecturer de quelle puanteur
ce cachot est infecté… dans ce lieu affreux, toutes sortes de
vermines exercent un pouvoir despotique. Les poux, les punaises y
rongent ces pauvres esclaves sans être inquiétés et quand, par
l’obligation de mon emploi, j’y allais confesser ou consoler les
malades, j’en étais rempli… Je puis assurer que toutes les fois que
j’y descendais, je marchais dans les ombres de la mort, j’étais
néanmoins obligé d’y rester longtemps pour confesser les mourants
et, comme il n’y a entre le plancher et le
taular
que
trois pieds de hauteur, j’étais contraint de me coucher tout de mon
long auprès des malades pour entendre en secret la déclaration de
leurs péchés ; et, souvent, en confessant celui qui était à ma
droite je trouvais celui de ma gauche qui expirait sur ma
poitrine. »
    C’est dans ce triste réduit que les aumôniers
des galères, de durs lazaristes que les huguenots appelaient avec
raison
les grands ressorts de cette machine à bâtons et à
gourdins
, faisaient jeter après leur avoir fait administrer
une terrible bastonnade les forçats huguenots qui avaient refusé de
lever le bonnet
pendant qu’ils célébraient la messe.
    Quand la galère désarmée hivernait dans le
port, les aumôniers, par un raffinement de cruauté, obtenaient que
l’on donnât pour cachot aux invalides huguenots, l’infecte cale de
la galère. « Sur la vieille Saint-Louis, dit le Journal des
Galères, où il y a bon nombre de nos frères, vieux, estropiés ou
invalides, on les a confinés dans la
rougeole
, endroit où
l’on ne peut se tenir debout et
où passent des ordures et les
immondices de chaque banc
, sans avoir égard à leur vieillesse
et à leurs incommodités. M. André Valette est un de ces
fidèles souffrants. Pendant l’été, on l’avait placé auprès du
Fougon
, lieu où l’on fait du feu, afin que la chaleur et
la fumée l’incommodassent, et présentement, dans l’hiver, on le
fait venir dans la rougeole, où l’eau des bancs coule et où le
froid entre plus qu’ailleurs, afin de le mieux affliger. »
    Les aumôniers ne se résignaient qu’à regret à
laisser porter à l’hôpital les huguenots qu’ils avaient fait
maltraiter. Ainsi, Jean L’hostalet ayant reçu une cruelle
bastonnade pour n’avoir pas levé le bonnet, l’aumônier le retint
cinq ou six jours sur la galère, bien que le chirurgien eût ordonné
de le transporter à l’hôpital. Quand on l’en retira enfin, il était
mourant. C’est à cet hôpital que les forçats malades, chargé de
lourdes chaîne, n’ayant ni capote, ni feu par les plus grands
froids, allaient achever de mourir. Un Cévenol, dit Élie Benoît, y
mourut de faim, l’aumônier de l’hôpital ayant défendu de lui donner
à manger pour le punir d’avoir refusé de se laisser instruire.
C’est là que vint mourir le huguenot Mauru, après avoir craché tous
ses poumons : il expira sur un grabat où il grelottait sans
feu et sans capote. Pendant dix années, Mauru avait été tourmenté
cruellement par l’aumônier de sa galère, et la haine de cet
aumônier le poursuivit jusqu’après sa mort, car il fit retirer son
corps de la bière dans laquelle on l’avait mis, et le fit jeter
tout nu à la voirie.
    Les invalides, incapables de manier la rame,
restaient enchaînés à leurs bancs comme les autres forçats pendant
que la galère était en campagne ; à la rentrée dans le port,
moyennant un sou payé aux argousins ils obtenaient comme leurs
compagnons valides, la faveur d’être déferrés pendant le jour.
Cette faveur accordée aux malfaiteurs et aux meurtriers,

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