Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
et la tante de cette
fille se jetant sur eux comme une furie, ils tuèrent celle-ci et
jetèrent les deux corps encore palpitants dans la rivière. On les
condamna, mais pour la forme, car après quelques mois de prison ils
furent élargis.
En réalité, le seul résultat de cette double
interdiction de violer et de tuer était d’obliger les soldats à
s’ingénier pour trouver les moyens les plus variés d’outrager la
pudeur des femmes, sans en venir jusqu’au viol, et de découvrir des
tourments qui, sans être mortels, fussent assez douloureux pour
triompher des résistances les plus obstinées.
Voici quelques exemples de ce qu’ils
imaginaient pour blesser la pudeur des femmes : « Les
soldats mettaient les femmes en chemise, leur coupaient la chemise
par derrière jusqu’à la ceinture, et, en cet état, les obligeaient
à danser avec eux. – À Lescure, ils mirent nus un maître et sa
servante et les laissèrent ainsi pendant trois jours et trois
nuits, liés à la quenouille du lit. À Calais, ils jetèrent dans la
rue deux jeunes filles qu’ils avaient mises dans un état de nudité
complète. Un dragon vint se coucher dans le lit où reposait la
vénérable douairière de Cerisy. Les soldats, logés dans le château
où se trouvait la fille du marquis de Venours, firent venir une
femme de mauvaise vie,
et convertirent le château en maison de
débauche
. Pendant des nuits entières, les sept filles de
Ducros et d’Audenard, bourgeois de Nîmes, eurent à souffrir toutes
les indignités, sauf le viol, dit une relation. « Les soldats,
dit Élie Benoît, faisaient aux femmes des indignités
que la
pudeur ne permet pas de décrire ;
ils exerçaient sur
leurs personnes des violences aussi insolentes qu’inhumaines,
jusqu’à ne respecter aucune partie de leur corps
et à
mettre le feu à celles que la pudeur défend de nommer… quand ils
n’osaient faire pis. »
Nous nous arrêtons, n’ayant pas la même
hardiesse de description que le grave historien de l’édit de
Nantes.
Pour ce qui est des tortures qu’ils
infligeaient à leurs hôtes, les soldats ne savaient qu’imaginer
pour découvrir un moyen de venir à bout de l’opiniâtreté de ceux
qu’on les avait chargés de convertir, en les torturant sans
pourtant les faire périr.
Quand, au milieu des tortures, un malheureux
tombait en défaillance, les bourreaux le faisaient revenir à lui,
afin qu’il recouvrât les forces nécessaires pour résister à de
nouveaux tourments, et ils en arrivaient ainsi à faire supporter à
leurs victimes tout ce que le corps humain peut endurer sans
mourir.
« Dans les persécutions qu’eurent à
supporter les premiers chrétiens, dit le réfugié Pierre Faisses, on
en était quitte pour mourir, mais en celle-ci la mort a été refusée
à ceux qui la demandaient pour une grâce. »
Le pasteur Chambrun, cloué sur son lit de
douleurs disait à ses tourmenteurs : « On ferait bien
mieux
de me dépêcher
, plutôt que de me faire languir par
tant d’inhumanités. »
Jacques de Bie, consul de Hollande à Nantes, à
qui les soldats avaient arraché le poil des jambes, fait brûler les
pieds en laissant d’égoutter le suif de la chandelle, etc., ajoute,
après avoir raconté tous les cruels tourments qu’il avait eu à
supporter : « Je les priai cent fois de me tuer, mais ils
me répondirent : Nous n’avons point d’ordre de te tuer, mais
de te tourmenter tant que tu n’auras pas changé. Tu auras beau
faire, tu le feras, après qu’on t’aura mangé jusqu’aux os. Vous
voyez qu’
il n’y avait point de mort à espérer
,
si ce
n’est une mort continuelle sans mourir
. »
L’affaire fit grand bruit en Hollande ;
d’Anaux, ambassadeur de France, demanda qu’on démentit les
faussetés de la lettre de Jacques de Bie (les États avaient résolu
de faire de grandes plaintes, dit-il, prétendant que c’était contre
le droit des gens d’avoir mis les dragons chez le consul
hollandais) : mais d’Avaux parvint à étouffer l’affaire en
soutenant à MM. d’Amsterdam que de Bie n’avait pas été reçu
consul, que sa qualité n’était pas reconnue en France, que, au
contraire, il était naturalisé Français.
Les États durent, bon gré mal gré, se
contenter des explications données par l’ambassadeur de France.
À l’un, ils liaient ensemble les pieds et les
mains, lui prenant la tête entre les jambes et faisant rouler sur
le plancher l’homme ainsi
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