Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
d’un
lieutenant général, ancien sous-gouverneur de Louis XIV, ne cessa,
jusqu’au jour de sa mort, de faire de nouveaux complots qui
n’aboutirent pas.
Déjà, en 1703, retiré dans son manoir de
Vareilles, d’où il lançait de nombreuses proclamations, il avait
tenté d’organiser un soulèvement général des catholiques et des
protestants contre le gouvernement de Louis XIV. Montrant que, par
suite de la suppression de toutes les libertés, le pouvoir sans
limites du roi surchargeait impunément le peuple d’impôts
insupportables, il invitait tous les Français à briser les fers de
leur honteux esclavage et à réclamer les armes à la main la
convocation des États généraux. Pendant qu’il préparait le
soulèvement du Rouergue, il chargeait le capitaine Boëton de
s’entendre avec les chefs camisards pour agir avec eux. Mais
Catinat, lieutenant de Cavalier, ayant pris les devants et ayant
fait brûler quelques églises dans le canton où l’on devait se
rencontrer, fut attaqué par les milices catholiques qui
dispersèrent sa troupe. Boëton arrivant avec six cents hommes, ne
trouve plus ses alliés, il est obligé de gagner la montagne et de
s’enfermer dans le château de Ferrières, où il est attaqué par des
forces supérieures et obligé, de se rendre avec sa troupe.
Si La Boulie avait pu réunir tous les éléments
de résistance épars sur les divers points du territoire, faire
marcher ensemble les catholiques et les protestants pour la
revendication des libertés perdues et la suppression des impôts,
réduisant à la plus horrible misère la gent taillable et corvéable
à merci, il eût transformé la guerre religieuse en une guerre
sociale qui eût pu constituer un grave péril pour le
gouvernement.
Quelques années auparavant déjà, les
souffrances du peuple avaient amené des troubles sérieux en
Bretagne et en Guyenne, et la misère était telle partout, qu’elle
eût servi puissamment la Cause de La Bourlie, s’il avait pu
réaliser le soulèvement général qu’il avait rêvé. Pour qu’on puisse
se rendre compte du puissant appui qu’eût rencontré dans la misère
générale le soulèvement général rêvé par La Bourlie, il n’est pas
inutile de montrer par quelques citations, ce qu’était cette misère
au bon vieux temps.
« Par toutes les recherches que j’ai pu
faire depuis plusieurs années que je m’y applique, dit le maréchal
de Vauban, j’ai fort bien remarqué que dans ces derniers temps, la
dixième partie du peuple est réduite à la mendicité, et mendie
effectivement ; que, des neuf autres parties, il y en a cinq
qui ne sont pas en état de faire l’aumône à celle-là, parce
qu’eux-mêmes sont réduits, à très peu de chose près, à cette
malheureuse condition ; que des quatre autres parties qui
restent, les trois sont fort mal aisées et embarrassées de dettes
et de procès, et que, dans la dixième ; où je mets tous les
gens d’épée, de robe, ecclésiastiques et laïques ; toute la
noblesse haute la noblesse distinguée et les gens en charges ;
militaires et civils, les bons marchands ; les bourgeois
rentés et les plus accommodés, on ne peut pas compter sur cent
mille familles, et je ne croirais pas mentir quand je dirais qu’il
n’y en a pas dix mille, petites ou grandes, qu’on puisse dire être
fort à leur aise… De tout temps en France on n’a pas eu assez
d’égards pour le menu peuple… aussi c’est la partie la plus ruinée
et la plus misérable du royaume. Les biens de la campagne rendent
le tiers moins de ce qu’ils rendaient il y a trente ou quarante
ans, surtout dans les pays ou les tailles sont personnelles. Les
puissants font dégrever leurs fermiers, leurs parents, leurs amis…
Les paysans ont renoncé à élever du bétail et à améliorer la terre
dans la crainte d’être accablés par la taille, l’année suivante.
Ils vivent misérables, vont presque nus, ne consomment rien et
laissent dépérir les terres. Les paysans arrachent les vignes et
les pommiers à cause des aides et des douanes provinciales… Le sel
est tellement hors de prix qu’ils ont renoncé à élever des porcs,
ne pouvant conserver leur chair. Des agents employés à lever les
revenus, de cent il n’y en a pas un qui soit honnête, et, par le
fer et le feu, il n’y a rien qu’on ne mette en usage pour réduire
ce peuple au pillage universel. Et tous les pays qui composent le
royaume sont universellement
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