Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
dit Jurieu, « les réfugiés
s’obstinaient à conserver ce cœur Français qu’on s’efforçait de
leur arracher. »
Il ne faut pas croire que dès le début ;
les réfugiés prenant les armes sous le drapeau des puissances
protestantes qui leur avaient donné asile, eussent perdu l’amour de
leur patrie ; un grand nombre d’officiers, en s’engageant dans
l’armée hollandaise, avaient stipulé qu’ils ne combattraient point
contre la France. Si tant de réfugiés vinrent s’enrôler dans
l’armée de Guillaume d’Orange, et verser leur sang pour lui assurer
la possession du trône d’Angleterre, ils furent, surtout poussés à
le faire par le désir de se constituer, en la personne de
Guillaume, un protecteur assez puissant ; pour qu’il put
imposer un jour à Louis XIV le rappel des huguenots. La lettre
suivante écrite par le baron d’Avejon pour provoquer des
engagements dans son régiment, destiné à prendre part à
l’expédition d’Angleterre, montre bien que, pour les réfugiés, il
s’agissait là d’une sorte de croisade en vue du retour ultérieur
dans la patrie. « Je m’assure, dit-il, que vous ne manquerez
pas de faire publier dans toutes les Églises françaises de Suisse,
l’obligation
où sont les réfugiés de nous venir en aide
dans cette expédition, où il s’agit de la gloire de Dieu, et, dans
la suite,
du rétablissement de son Église dans notre
patrie
. »
Le succès de la bataille de la Boyne eût
peut-être été pour les réfugiés le gage assuré d’un retour prochain
en France, si leur chef, le maréchal de Schomberg, n’eût pas trouvé
la mort sur le champ de bataille. Deux ans plus tard, après le
combat naval de la Hogue, Guillaume décidait qu’une descente serait
faite en France et qu’on ferait appel au concours des nouveaux
convertis. Les régiments de réfugiés avaient été désignés pour
former l’avant-garde du corps expéditionnaire que devait commander
Ménard de Schomberg, fait comte de Leinster.
Mais les vents contraires ayant empêché le
débarquement, et la saison avancée ne permettant pas de donner
suite à ce projet de descente en France, il fut abandonné, et,
depuis ce moment, jamais il ne fut fait, une tentative sérieuse
pour rétablir, de haute lutte, le culte protestant en France.
Un des premiers chefs des révoltés des
Cévennes, Vivens, un ancien cardeur de laine, avait appelé à lui,
mais vainement, tous les réfugiés ; l’entente eût-elle été
possible entre les gentilshommes émigrés, et les obscurs artisans,
chefs improvisés de la démocratique insurrection des
Cévennes ? Cela semble d’autant plus douteux que l’on voit
d’Aigullières et les nobles nouveaux convertis de Nîmes supplier le
gouvernement de Louis XIV de leur donner des armes pour aller
exterminer les Cévenols,
ces malheureux fanatiques ;
si l’on eût pu amener les réfugiés qui versaient leur sang sur tous
les champs de bataille pour leurs patries d’occasion, à s’unir au
dernier chef des Cévenols, Roland, il est incontestable qu’ils
eussent eu grande chance de réussite et que Louis XIV aurait pu se
voir contraint à rétablir l’édit de Nantes.
Mais rien de sérieux ne fut tenté par les
réfugiés pour venir au secours de l’insurrection cévenole, la
flotte que Ricayrol amenait en 1704 au secours des insurgés est
dispersée par la tempête. L’année suivante, alors que Roland, le
grand organisateur des révoltés, périt victime d’une trahison, La
Bourlie, Miramont et Belcastel de l’étranger où ils sont réfugiés,
tentent d’organiser dans le Languedoc une vaste conspiration ;
Bonbonnoux, un des derniers chefs camisards, parle ainsi de cette
aventure : « Quelques-uns de ceux qui avaient suivi
Cavalier dans les pays étrangers, étant de retour dans nos
provinces, leurrés par quelques puissances étrangères, roulaient de
vastes projets dans leurs esprits. Il ne s’agissait pas de moins
que de se rendre maître de la province et de mettre quarante mille
hommes sur pied au premier signal… Mais lorsque la lourde machine
est prête à jouer, le secret s’évente et tout le projet
tombe ; heureux, si par sa chute il n’avait pas entraîné la
perte des principaux qui l’avaient formé. Mais quelle cruelle
boucherie n’en fit-on pas ! Vélas fut étendu sur une roue,
Catinat et Ravanel périssent sur un même bûcher, Flessière est tué
sur place. »
Infatigable conspirateur, La Boulie, fils
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