Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
gentilhomme de la religion prétendue réformée, des plus
obstinés, lequel était âgé de quatre-vingts ans, mourut, sans avoir
voulu souffrir que son curé ni aucun prêtre le vissent… Son
obstination ayant fait refuser à ses enfants la permission de le
faire enterrer en terre sainte, on l’a enterré dans son jardin
auprès du lieu où avait été enterré son chien
. »
C’est par suite de la même préoccupation
d’imposer un caractère de flétrissure à l’enterrement des non
catholiques qu’à Paris, jusqu’à la Révolution, les protestants et
les artistes de la Comédie-Française,
excommuniés ordinaires du
roi
, durent être enterrés sans pompe, la nuit, et inhumés dans
un chantier.
S’inspirant de la doctrine qui avait dicté
jadis l’arrêt rendu dans l’affaire Baillebache :
la
religion catholique a le privilège de tous les honneurs et de tous
les avantages
, les ministres de la guerre, sous
l’ordre
moral
, MM. Berthauld et du Barrai, firent pour la
question des honneurs militaires, ce que le préfet Ducros avait
fait pour les inhumations des libres penseurs à Lyon.
Arguant de je ne sais quelle équivoque de
texte, ces ministres décidèrent que le piquet d’honneur accordé par
la loi aux religionnaires morts, devait être refusé à ceux qui
étaient conduits directement de leur domicile au cimetière, sans
passer par l’église, le temple ou la synagogue. C’est en vertu de
cette décision que le député Brousse et le compositeur Félicien
David furent privés des honneurs militaires.
Ces tentatives faites hier pour noter
d’infamie les obsèques des libres penseurs, ou tout au moins pour
leur imprimer un caractère
d’humiliation
, suffisent pour
montrer ce que serait devenu le principe de l’égalité de tous les
citoyens et de toutes les opinions devant la loi, si l’on eût
réussi à restaurer, avec le roi très chrétien Henri V, le
gouvernement des curés.
Un jour, le prince de Condé, ayant eu une vive
discussion à propos de religion avec la princesse de la Trémouille,
lui avait conseillé, pour se défaire de ses entêtements huguenots,
de rester six mois sans aller au prêche et sans voir le
ministre.
L’affaire fit grand bruit et
la maxime du
prince de Condé
eut beaucoup de succès auprès des évêques et
des intendants, qui, convaincus que la religion n’est qu’une
affaire d’habitude, rivalisèrent d’ardeur pour mettre les huguenots
dans l’impossibilité d’aller aux prêches et de voir des ministres,
par la suppression d’un grand nombre de temples et l’interdiction
de nombreux ministres.
On supprima tous les temples, dans les lieux
où l’on ne put prouver
par titres
que le culte protestant
avait été célébré avant l’édit de Nantes, et cette preuve
écrite
était d’autant plus difficile à faire que la
plupart des titres avaient été détruits ou perdus au cours des
guerres de religion.
Les protestants se trouvant souvent disséminés
par groupes peu nombreux au milieu des populations catholiques, les
annexes, ou lieux d’exercices secondaires, n’avaient pas de
ministres attitrés, mais un pasteur venait, à des jours déterminés,
prêcher dans chacune de ces annexes. Un édit défendit aux ministres
de prêcher dans plus d’un lieu. Les églises s’étant cotisées, les
plus riches venant au secours des plus pauvres, chaque annexe put
avoir son pasteur.
Un nouvel édit vint interdire à chaque église
de contribuer aux dépenses des autres, attendu que, au moyen des
cotisations, les ministres
devenaient beaucoup plus fréquents
qu’il ne convenait à une religion qui n’était que tolérée
.
Pour empêcher que ces cotisations ne pussent continuer à se faire
secrètement, il fut interdit aux consistoires de se réunir, hors la
présence d’un juge royal, et de voter, même pour aumônes, aucune
imposition nouvelle.
Pour qu’un temple fût fermé et ses ministres
interdits, il suffisait qu’un huguenot
ayant abjuré
ou que
l’on prétendait avoir abjuré eût assisté au prêche. Il eût fallu
que les ministres se tinssent à la porte des temples pour demander
à quiconque voulait entrer, avez-vous
abjuré ?
Tout
nouveau converti qui, pour
n’importe quel motif
, entrait
dans un temple devait être poursuivi comme
relaps ainsi
qu’en témoigne la lettre suivante, écrite le 25 janvier 1682, par
le chancelier Letellier, au procureur général du parlement de
Paris : « Je me suis souvenu que je ne
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