Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
huguenots qui abjurèrent plus tard et crurent justifier
leur abjuration en la motivant ainsi :
pour obéir à la
volonté du roi
.
Les catholiques, s’étant inquiétés des
rassemblements des protestants, avaient dispersé plusieurs des
assemblées tenues par ceux-ci, dès lors on n’alla plus qu’armé aux
assemblées de prières et la lutte entre les catholiques et les
protestants prit bientôt en conséquence le caractère d’une guerre
civile.
Louvois met des troupes en marche pour châtier
les rebelles
(les protestants), accusés d’avoir pris
l’offensive ; mais l’intendant d’Aguesseau parcourt le pays,
obtient des protestants qu’ils se dispersent, posent les armes, et
il demande au gouvernement une amnistie.
L’amnistie est accordée, mais elle n’était
qu’un leurre, car elle ne s’appliquait, ni aux ministres, ni aux
notabilités protestantes compromises, ni à ceux qui avaient été
arrêtés et se trouvaient dans les prisons. Dans le Vivarais et les
Cévennes, les protestants, voyant que malgré l’amnistie leurs
co-religionnaires étaient roués, pendus ou envoyés aux galères
reprennent les armes.
Louvois ordonne aux troupes qu’il envoie, de
causer
une telle désolation
dans le pays que les autres
religionnaires fussent contenus par l’exemple qui s’y ferait. Il
avait chargé de la besogne de Noailles qui, de son aveu, mettait
trop de bois au feu
, et Saint-Ruth qui, au dire de
d’Aguesseau, fit une véritable chasse à
la proie humaine
.
Après les massacres en rase campagne, les supplices se
multipliaient ; le pasteur Brumer fut massacré, son collègue
Homel, directeur pour le Vivarais, livré par un traître, fut roué
vif ; Brousson et les autres directeurs avaient dû fuir en
Suisse ; plusieurs furent exécutés par contumace, et plus de
cent trente pasteurs furent impliqués dans les poursuites survenues
à la suite de cette affaire.
Pour donner une idée de la barbarie de la
répression, il suffira de citer les faits suivants : « Un
jour, dit Cosuac, Saint-Ruth, après avoir dispersé une bande de
religionnaires, en fit brûler plus de deux cents qui s’étaient
réfugiés dans une grange. Les malheureux repoussant avec des
perches les matières combustibles que les soldats jetaient sur le
toit, les dragons embusqués dans les arbres tiraient sur eux.
« La grange brûla et tous furent
étouffés, sauf les quinze plus vigoureux qui, étant sortis, furent
fusillés ou pendus.
« À l’approche des soldats, un autre
jour, des vieillards, des femmes et des enfants se sauvent et se
réfugient dans des précipices, derrière Mastenac, Saint-Ruth en
trouve le chemin.
« Il y eut plusieurs filles et femmes
violées, dit Élie Benoît ; une entre autres, ayant donné
beaucoup de peine à six dragons par sa résistance et se jetant sur
eux comme une lionne pour se venger, fut tuée par ces brutaux à
coups de sabre… Catherine Raventel, ayant été trouvée dans les
douleurs de l’enfantement, les dragons la tuèrent… On tua tout,
hommes et femmes, tous périrent jusqu’au dernier. »
L’évêque de Valence avait demandé qu’on lui
accordât du moins la grâce des prisonniers qu’il parviendrait à
convertir. « J’accompagnais l’intendant, dit-il, dans les
endroits où il y avait des prisonniers, et, dans le temps qu’il les
condamnait à mort et qu’on instruisait leur procès, je recevais
leur abjuration,
cela fit sauver plus de deux mille
hommes
. »
Louvois dut être satisfait, et la
désolation
du pays en 1683-1684, fut le digne prélude de
la sauvage dévastation accomplie quelques années plus tard, pour
faire régner
la paix des tombeaux
sur les ruines
ensanglantées des Cévennes, dépeuplées et converties en désert, sur
une étendue de quarante lieues de long sur vingt de large.
L’histoire de l’insurrection des Cévennes ne
rentre pas dans le cadre de ce travail, qui a pour but de faire
l’histoire de la résistance passive de l’immense majorité des
huguenots, résistance finissant par lasser les persécuteurs. Mais
si la constance héroïque des martyrs huguenots, au fond des
cachots, sur les bancs des galères, devant la potence, la roue et
le bûcher a gagné, devant l’opinion publique, la cause de la
liberté de conscience, on ne peut contester que le souvenir
toujours vivant de la lutte héroïque de quelques milliers de
montagnards contre les armées de Louis XIV n’ait, pour une large
part, contribué à
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