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Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
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jours, il me fut impossible d’en mettre un morceau à ma
bouche, quelque effort que je fisse en moi-même.
    « On me faisait charrier de l’eau avec
Mlle de Luze. Une fille nommée Muguette, nous suivait
après, avec une verge à la main, qui nous en frappait les doigts.
Et la cornue que nous portions était si pleine et pesante, que deux
hommes auraient eu peine de la porter et, comme nous étions
faibles, ce fut cause que celle qui était avec moi, le bâton lui
glissa de la main, et nous versâmes deux ou trois verres d’eau sur
le pavé. On s’en alla quérir la Rapine. Il s’en alla à la cuisine
et dit aux cuisinières : « Donnez les étrivières à cette
huguenote, mais ne l’épargnez pas ; que si vous l’épargnez
vous serez mises à sa place.
    « À l’instant on me fit lever et on me
fit entrer à la cuisine. Sitôt que j’y fus dedans, on ferma bien
toutes les portes et je vis six filles, que chacune d’elles avait
un paquet de verges d’osier de la grosseur que la main pouvait
empoigner et de la longueur d’une aune, on me dit :
« Déshabillez-vous » ; ce que je fis, on me
dit : « Vous laissez votre chemise, il la faut
ôter ». Elles n’eurent pas la patience qu’elles-mêmes
l’ôtèrent et j’étais nue depuis la ceinture en haut. On apporta une
corde de laquelle on m’attacha à une poutre qui tenait le pain dans
la cuisine, en m’attachant on tirait la corde de toutes leurs
forces, puis on me disait : « Vous fais-je
mal ? » Et alors elles déchargèrent leur furie dessus moi
et, en me frappant l’on me disait : « Prie ton
Dieu ! »
    « On avait beau s’écrier :
« Redoublons nos coups, elle ne les sent pas puisqu’elle ne
dit mot ni ne pleure point. » Et comment aurais-je pleuré,
puisque j’étais
peinée
au dedans de moi ? Mais sur la
fin, mes pieds ne purent pas me soutenir parce que mes forces
étaient faillies, aussi j’étais pendue par les bras et voyant que
j’étais comme couchée par terre, alors on me détacha pour me
frapper mieux à leur aise. On me fit mettre à genoux au milieu de
la cuisine, là elles achevèrent de gâter les verges sur mon dos,
tant que le sang me coulait des épaules… et comme elles me
mettaient mon corps (mon corsage) je les priai de ne me le mettre
pas, mais tout seulement mon manteau ; elles ne firent que
pis, me serrèrent tant plus et, comme j’étais enflée et noire comme
du charbon, ce me fut un double supplice et double martyre… C’était
à deux heures après midi et, quoique je ne pouvais pas me remuer,
il me fallait pourtant travailler. Et tantôt on venait en
disant : « Quatre huguenotes pour travailler et charrier
de l’eau. » Dans un moment après on revenait en criant :
« Encore deux ou trois huguenotes pour charrier de la
farine » ; et tous les jours on augmentait nos peines et
nos supplices.
    « Aussi, je regardais ce lieu là comme
l’image de l’enfer ; je désirais ardemment d’en sortir par la
mort… On nous faisait balayer la cour des filles, mais on ne nous
donnait point de balais à toutes,
il fallait que nos doigts
fissent les balais et nous ramassions la boue avec nos mains…
Depuis les étrivières, j’étais devenue comme ladre, j’avais par
tout mon corps des
ampoules
qui étaient de la grosseur d’un
pois. Ce n’était pas la gale, mais du sang meurtri… Je balayai la
salle ; le redoublement de fièvre me prit, ma chemise était
toute mouillée de sueur de travail, et comme j’étais extrêmement
mal, je m’en allai me jeter sur le lit…
    « Je ne fus pas plutôt sur le lit que la
Roulotte et la Grimaude, transportées de furie, vinrent contre moi
en me disant : « Allons, à la messe ! … » Elles
me jetèrent du lit à terre, et, comme je ne voulais pas marcher,
j’étais couchée sur le pavé, elles me frappèrent à coups de pied,
ensuite du bâton qu’elles avaient à la main… Quand elles eurent
rompu le bâton sur moi… on me traîna jusqu’aux degrés… »
    À la suite des mauvais traitements répétés
qu’elle avait subis, Blanche de Gamond tombe malade et est envoyée
à l’infirmerie.
    « Je demeurai là, dit-elle, l’espace de
deux mois, je fus détenue d’une fièvre continue et redoublement
d’accès. Quand je demandais de l’eau pour me rafraîchir la bouche,
pour la plupart du temps, on me la refusait, en me disant :
« Faites-vous catholique et on vous en donnera… » On ne
me donnait point de

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