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Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
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Rapine, comme l’appelaient les
huguenots, quand on lui eut fait cette menace de la transporter en
Amérique, elle résolut de s’évader de l’hôpital de Valence avec
trois de ses compagnes ; mais, en franchissant une haute
muraille, elle tomba et se rompit la cuisse, si bien qu’elle fut
reprise par ses bourreaux et ramenée à l’infirmerie où se trouvait
son amie Jeanne Raymond, blessée comme elle.
    « L’un me prit par la tête, dit-elle, et
les autres par le milieu de mon corps, ainsi on commença à monter
les degrés. Je souffrais comme si j’eusse été sur une roue ;
tous les degrés qu’on montait ébranlaient si fort mon corps et mes
os qu’ils craquetaient tous. – Un moment après on vint pour me
déshabiller, ce fut des maux les plus cuisants du monde. Ils
étaient trois ou quatre filles, les unes me tenaient entre leurs
bras, les autres me délaçaient, les autres m’ôtaient mes bas ;
c’est alors que je fis des cris, car les os de mon pied gauche
étaient démis. Puis on me mit dans une peau de mouton, là où je
demeurai jusqu’au troisième jour sans qu’on me changeât de place,
ni nous faire accommoder nos desloqûres, nous priâmes tant qu’enfin
on nous fit venir un homme, nommé maître Louis Blu qui nous remit
nos os. Il accommoda premièrement Mlle Terasson, et puis moi,
ce furent des cris et des larmes que ma cuisse me causait, car elle
était démise et
moulue
, cela dura assez longtemps, devant
qu’il eût accommodé, en six ou sept parts de ma personne, les os
qui étaient démis de leur place. On demeura huit jours sans venir
voir nos meurtrissures.
    « On ne me donna point de bouillon ni
autre chose… M. de Brezane ne manquait pas de nous faire
de rudes menaces de temps en temps ; en venant nous voir il
nous disait : « Quoique vous soyez estropiées, cela
n’empêchera pas
qu’on ne vous mène en Amérique
pour vous
faire prendre fin, mais en attendant je vous ferai mettre dans un
cachot et vous pourrirez là-dedans.
    « Il fallait qu’on fût quatre personnes
pour me lever, chacune d’elles prenait le coin du matelas et avec
le matelas on me mettait par terre puis deux filles me tenaient
entre leurs bras et les autres faisaient mon lit, puis on tâchait
de m’y mettre dessus ; mais c’était là la plus grande peine
parce qu’on ne pouvait pas m’y mettre sans me toucher. Et comme je
pourrissais vive et que ma peau s’ôtait dès qu’on me touchait,
c’étaient des cris, des larmes et des soupirs, les plus grands
qu’on ait jamais ouïs, la nuit et le jour sans relâche…
    « Comme M. le comte de Tessé avec
l’évêque de Valence approchaient de mon lit, la plus grande hâte
qu’ils eurent, ce fut de se boucher le nez et ensuite de prendre la
fuite à cause de la puanteur, et de ce
qu’on n’avait pas soin
de changer le linge de ma plaie
, car elle coulait nuit et jour
et perçait le matelas ; et toutes les fois qu’on me levait, il
ressemblait à un ruisseau, et quoiqu’on eut parfumé la chambre,
cela n’empêchait pas qu’il n’y eut une grande puanteur. »
    Grâce aux démarches d’amis puissants, et à un
sacrifice pécuniaire que sa mère consentit à s’imposer pour faire
disparaître les dernières oppositions, Blanche de Gamond, autorisée
à se rendre à Genève, put sortir de l’hôpital de Valence. La malade
partit, couchée à plat ventre sur un sac rempli de foin, posé en
travers sur la selle d’un cheval, les pieds appuyés sur l’un des
étriers. Ce fut un nouveau et cruel martyre ; à chaque pas du
cheval, c’étaient de terribles douleurs ; il fallut s’arrêter
toutes les deux ou trois lieues, et, à chaque étape, séjourner
plusieurs jours pour se reposer, si bien que l’on mit un mois pour
faire les quatorze lieues qui séparent Valence de Grenoble.
    Celui qui visite les prisons d’aujourd’hui, ne
peut avoir aucune idée de ce qu’étaient les prisons du temps de
Louis XIV, ces sépulcres des vivants où furent entassés les
huguenots après la révocation, et où tant de victimes furent jetées
pendant près d’un siècle pour cause de religion.
    La plupart des cachots des châteaux forts et
des prisons d’État étaient de sombres réduits, dans lesquels l’air
et le jour ne pénétraient que par une étroite lucarne, donnant
parfois sur un égout infect ; ils étaient si humides que les
prisonniers y perdaient bientôt leurs dents et leurs cheveux, les
insectes y pullulaient ainsi

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