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Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
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Il y a bien trois mois qu’il ne me fait
plus blanchir mon linge… J’ai été plus d’un an sans chemise, mes
habits plus déchirés que ne sont ceux des plus pauvres gueux qu’on
voit aux portes des églises ; j’ai été pieds nus jusqu’au 15
décembre ; je dis pieds nus, car j’avais des bas qui n’avaient
point de pieds et, pour souliers, des savates décousues des deux
côtés et percées en dessous…
    « Voici le quatrième hiver que j’ai passé
presque sans feu. Le premier des quatre, je n’en eus point du tout.
Le second, on commença à m’en donner le 28 janvier et on me le
retrancha avant février fini. Le troisième, on ne m’en donna
qu’environ quatorze ou quinze jours.
    « Je n’en ai point encore vu de cet hiver
et n’en demanderai point du tout. Le major pourrait bien m’en
donner s’il voulait, car il a de l’argent à moi ; mais il ne
veut pas m’en donner un double ; j’ai senti vivement le froid,
la nudité et la faim… J’ai vécu de cinq sous par jour, ce qui est
la subsistance que le roi m’a ordonnée. J’ai été nourri d’abord par
un aubergiste qui me traitait fort bien pour mes cinq sous. Mais un
autre qui lui a succédé m’a nourri durant cinq mois et retenait
tous les jours deux sous six blancs ou trois sous sur ma
nourriture. Enfin le major entreprit de me nourrir à son tour. Il
faisait d’abord assez bien, mais enfin il s’est lassé de le faire.
Il n’ouvre mon cachot qu’une fois par jour, et m’a fait apporter
plusieurs fois à dîner,
à neuf heures
,
à dix heures et
à onze heures du soir
. J’ai passé une fois
trois
jours
sans recevoir de pain de lui, et, d’autres fois,
deux fois vingt-quatre heures
. »
    Le huguenot Ragatz mourut fou dans un de ces
profonds cachots de Marseille dont le fond
était tout
pourriture et fourmillait de vers
. En 1703, Daniel Serre
écrit : « La citerne répond précisément au fond de la
caverne où je suis, ce qui la rend fort humide. » Ses
vêtements pourrissaient sur lui, et l’on avait placé sur l’étroit
soupirail destiné à aérer son cachot, des plaques de fer percées de
petits trous, en sorte, « dit-il, que l’air que l’on respire
dans l’endroit triste et étroit où je suis enfermé, est si grossier
et si corrompu qu’il est impossible qu’on y jouisse longtemps d’une
parfaite santé. »
    Daniel Serre était en effet fort malade et le
médecin refusait de lui donner des remèdes sous ce prétexte, que
ceux qu’il prendrait
dans un lieu si humide
lui feraient
plus de mal que de bien. Serre ayant objecté que depuis qu’il est
dans son cachot, il a toujours mal aux dents et a dû déjà se faire
arracher cinq ou six dents, le docteur lui répond tranquillement,
que, s’il reste davantage dans ce cachot, il faudra qu’il y perde
non seulement ce qui lui reste de dents
, mais aussi la
cervelle.
    « Quelle plus grande misère peut-on
s’imaginer, écrit le pauvre prisonnier, que celle d’être privé de
la lumière du jour pendant des années, d’être livré en proie à
l’avarice et à la sévérité d’un concierge impitoyable, et
de se
sentir
, pour ainsi dire,
mourir à tout
moment
. »
    Besson, un des prisonniers de Marseille, dit
en 1709 : « Il a fait plus froid en ce pays qu’il n’avait
fait depuis quarante ans. Quelques instances que nous ayons faites
pour obtenir les robes que le roi nous donne, nous n’avons rien
avancé… On nous tient dans des appartements où il n’y a ni jour ni
air, et où l’on ne peut respirer, tellement que plusieurs d’entre
nous sont souvent malades ; nous en avons trois à l’hôpital… À
part ces trois malades, il en est mort un il n’y a que quelques
jours qui avait resté treize à quatorze ans dans les
cachots. » De son côté Carrière écrit qu’il a été enfermé dans
un profond cachot, où l’on ne pouvait entrer
qu’à quatre
pieds
, l’entrée étant comme celle d’un four. Il est dans un
fond de tour, où l’on descend par seize degrés, en passant par cinq
portes, puis plus bas encore, par le moyen de quelque machine.
« Cela, dit-il, serait
plus propre à mettre les morts que
les vivants
, il n’y a aucun jour et il faut vivre à la lumière
de la lampe ; notre nombre
n’a pu se soutenir
, car le
lieu est si méchant qu’il parait impossible d’y durer. Mon frère y
est devenu
perclus de tous
les membres… un autre qui fut
traduit à l’hôpital avec lui, y mourut peu de temps

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