Les joyaux de la sorcière
rien :
— Vous en avez de la chance ! J’aimerais tellement en faire autant, seulement ma femme aime danser et je ne peux pas faire moins que rester dans les environs.
— Vous ne dansez donc pas ?
— Non, je n’aime pas ! Je sais que ça peut paraître drôle parce qu’on imagine toujours les Russes accroupis bras croisés en train de lancer les jambes dans tous les sens en poussant des cris de Comanches mais les entrechats n’ont jamais été ma tasse de thé et encore moins depuis que je suis devenu américain. Je préfère le base-ball et… les pantoufles.
— Avec une aussi jolie femme la vie mondaine me paraît difficile à éliminer, fit Aldo amusé. Que faites-vous pendant que la comtesse danse ?
— Je fais de grands discours à la gloire de ma nouvelle patrie… et je joue. Un bridge ne vous tente pas ?
— À mon tour de dire : je n’aime pas.
— Un poker alors ?
— Pas davantage ! Je bluffe très mal et je me fais plumer. Je préfère le jeu des enchères quand l’adversaire est coriace c’est assez excitant…
— Je veux bien vous croire. Venez me raconter ça en buvant un dernier verre au bar ! Vous ferez une œuvre de charité : les parties sont organisées et je ne sais trop que faire de moi !
Difficile de refuser une invitation formulée avec une telle bonne humeur ! D’autant que Morosini trouvait Ivanov de plus en plus sympathique. Il était rare qu’un homme très beau le soit. Les spécimens aussi réussis que lui, couverts de femmes en général, ayant plutôt tendance à se prendre pour le nombril du monde. Celui-là ressemblait à un gamin qui a envie d’apprendre et tandis que le « dernier verre » se multipliait par deux Ivanov posa une foule de questions sur le métier d’Aldo, le jeu des enchères justement et surtout les joyaux illustres qu’il lui arrivait d’acquérir ou seulement de côtoyer. Il en savait peut-être un peu plus sur le sujet qu’il n’y paraissait car, après avoir commandé un troisième verre – qu’Aldo refusa ! – il dit soudain :
— Il y a quelque chose qui m’intrigue. Je me plais à lire les journaux français et anglais et j’ai gardé en mémoire certaines histoires où vous étiez mêlé – l’affaire Ferrals il y a quelques années et l’an passé cette histoire de perle de Napoléon ! – en compagnie d’un certain Vidal-Pellicorne, égyptologue de son état. Or nous venons de dîner avec un personnage du même nom et vous n’avez pas l’air de vous connaître ? Pardonnez-moi si je vous parais indiscret ?
Il avait surtout une trop bonne mémoire et Aldo pris de court se donna le temps d’allumer une cigarette qu’il venait de tirer de son étui.
— Non, dit-il en exhalant la première bouffée. Seulement nous sommes en froid depuis quelque temps.
Cyril Ivanov éclata de rire et dans la meilleure tradition yankee frappa sa paume de son poing fermé :
— Dix contre un que la charmante épouse de mon cousin Obolensky y est pour quelque chose ?
— Elle est votre cousine ?
— Plus pour longtemps puisqu’ils en sont au divorce. C’est une jolie fille mais elle est à moitié cinglée depuis qu’elle a mis le pied en Égypte pour la première fois. Alors un spécialiste de la question c’est du gâteau pour elle et c’est tant mieux que vous soyez brouillés.
— Pourquoi donc ?
— Parce que si vous la laissez faire, je ne donne pas six mois à votre ex-ami avant de se prendre pour Ramsès II. C’est drôle que vous soyez sur le même bateau ?
— Simple coïncidence dont j’ai été le premier surpris après l’escale de Plymouth.
— Je sais : la belle Alice, ses trente malles et son nouveau toutou préféré ont embarqué avec nous. Il faut espérer que ce pauvre homme remettra les pieds sur terre avant qu’il ne soit trop tard ! Vous pourrez peut-être l’y aider ?
— Certainement pas ! affirma Morosini en se levant. Je me rends à New York pour une affaire. Une fois celle-ci conclue, je rentre… par le premier bateau…
— Si vous n’avez pas vu l’Amérique depuis longtemps, ce serait dommage. Laissez-nous, ma femme et moi, vous montrer à quel point elle peut être séduisante !
— Merci de l’offrir ! Nous en reparlerons… À présent, je vous abandonne si vous le permettez j’ai vraiment sommeil !
— Moi aussi et je vais aller voir où en est Caroline !
Les deux hommes se serrèrent la main et chacun partit de son
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