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Les joyaux de la sorcière

Les joyaux de la sorcière

Titel: Les joyaux de la sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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que ce Newport-là n’était pas le même que celui rencontré par lui avant la guerre. Il avait alors été hébergé, grâce à un ami lui-même invité mais qui n’avait eu aucune peine à le faire admettre dans l’une des fabuleuses et parfois extravagantes demeures semées le long de Bellevue Avenue ou d’Océan Drive. Il s’agissait à cette époque de « The Breakers » le spectaculaire palais italien des Vanderbilt tout colonnes de marbre et pilastres d’albâtre qui voisinait avec « Beaulieu » le château français bâti par John Jacob Astor pour sa capricieuse épouse Ava. Débordant lui aussi de trésors exilés de leur terre natale. De toute façon, une « villa » à Newport ne pouvait être qu’un palais de la Renaissance italienne, un château français ou à la rigueur anglais dans le style Tudor, la construction de chacune d’elles ayant coûté plusieurs millions de dollars plus ce qu’il y avait dans des intérieurs emplis de statues de marbre, de tapis d’Aubusson ou des Gobelins, de miroirs de Venise, de lustres de cristal, de tableaux de prix et de meubles sculptés, dorés, chantournés. Le tout animé par une domesticité en livrée galonnée d’or ou d’argent. Cependant s’alignaient dans leur port particulier les plus beaux yachts à vapeur et surtout à voiles, ceux qui étaient admis à courir contre l’Angleterre l’America’s Cup dont Newport était (17) la capitale. Aldo lui-même y était alors arrivé à bord du yacht Vanderbilt, un steamer capable de traverser n’importe quel océan aussi aisément qu’un transatlantique et, pris aussitôt dans le tourbillon des fêtes et des plaisirs variés, n’avait pratiquement rien vu de l’île et de ses habitants. Les gens d’Océan Drive ou de Bellevue Avenue composaient un monde à part d’où même le petit tramway desservant la ville était interdit de séjour.
    Quant aux gens de moindre importance et de moindre fortune, ceux qui n’étaient pas nés avec une cuillère en or dans la bouche et n’appartenaient pas à ce que l’on appelait les « Quatre cents » limitant ceux qui avaient le droit d’évoluer dans le cirque sacré, les nouveaux venus – exception faite pour les étrangers très riches, très nobles ou très célèbres – ils pouvaient patienter des années avant de réussir à obtenir une invitation à un bal ou à un pique-nique. Les naturels du pays, eux, étaient encore plus mal vus. La High Society les appelait gracieusement « nos paillassons » et ils ne pouvaient fréquenter que la plage d’Euston, dite « plage du vulgaire » et en aucun cas franchir l’accès de l’élégante « Bailey Beach » protégée d’ail­leurs en saison par des valets galonnés sur toutes les coutures.
    Aldo se souvenait d’avoir trouvé du dernier ridicule cette espèce de féodalité sauce américaine dépouillée de tout lien d’entraide mais à l’époque il souhaitait surtout s’amuser. À présent il voyait les choses d’un autre œil et en pénétrant au cœur du vieux Newport si séduisant avec ses blanches maisons coloniales, la flèche de l’église baptiste Trinity Church, ses jardins, ses vergers pleins de pommiers noueux et de fragiles cerisiers, ses grands toits à pas coupés, ses fenêtres à l’anglaise garnies de petits carreaux, son port enfin où se balançaient des bateaux de pêche à l’écart des voiliers de plaisance, il en éprouva du plaisir plus qu’en franchissant les portes dorées de ces énormes demeures. Elles n’étaient pour ce pur produit du vieux continent, pour ce véritable seigneur, que faux-semblants auxquels manquait l’âme des demeures patriciennes de l’« Ancien Monde ». Et que le cadre était donc séduisant avec son chapelet d’îles vertes posées sur les eaux bleues et scintillantes de l’immense baie de Narragansett ! Le temps était magnifique, plein d’un soleil qui retenait ses coups sous un vent léger, empli d’odeurs marines et du vol paisible des oiseaux de mer.
    En franchissant le seuil de la vieille taverne aux plafonds bas, au plancher inégal mais vénérable – elle datait de 1687 ! – il eut l’impression de remonter le temps, de s’introduire dans le décor de l’ Île au Trésor ou de Moby Dick . Cela n’avait rien pourtant d’un mausolée ou d’un musée. On menait même grand tapage entre les murs lambrissés de pin auxquels le temps avait donné une belle couleur de sirop d’érable. Nombre

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