Les "Larmes" De Marie-Antoinette
brève, au lendemain du bal, m’avait laissé un goût d’inachevé d’autant plus cruel que c’était un éblouissement. Ce matin, je suis divinement heureuse… et un peu triste aussi parce que je n’ai pas le droit de m’installer dans votre vie, d’y devenir… une habitude – qui sait ? – et peut-être ensuite un poids. Alors, souffrez que je referme sur moi les portes du paradis. Au besoin aidez-moi afin qu’à notre prochain revoir nos regards soient sans ombre et nos sourires assez clairs pour reprendre où nous l’avons laissée le cours d’une belle amitié… Le mot – l’un de ceux que je préfère cependant – paraît terne, n’est-ce pas ? Mais c’est ma volonté et je vous demande la grâce de m’aider à y rester fidèle… » Et soudain la plume sage sembla prise de folie : « Mais pourquoi faut-il que je t’aime à ce point ? » Pas de signature…
— Comme si tu ne savais pas que moi je vais t’en aimer davantage ? murmura-t-il en caressant le papier ainsi qu’il aurait caressé la joue de Pauline. Mais c’est toi qui as raison et je ferai ce que tu veux…
Il était temps à présent de couper les ailes du rêve et de retrouver la réalité. Prenant son briquet, il brûla la lettre dont il laissa tomber la cendre dans la cheminée. Ensuite, il demanda son petit déjeuner et aussi un taxi pour dans une heure. Destination Versailles !…
Une heure plus tard très exactement, il quittait le palace de la place Vendôme sans même se retourner pour chercher des yeux la fenêtre de Pauline…
En arrivant au Trianon vers la fin de la matinée, il trouva Adalbert en train de lire les journaux sur la terrasse ensoleillée en compagnie d’un verre convenablement glacé. Il prit place à côté de lui sans qu’il parût s’apercevoir de sa présence. Ce fut seulement quand Aldo leva le bras pour appeler un serveur qu’il tourna vers lui un œil nonchalant :
— On t’attendait hier soir ? Tu as pris ton temps, on dirait ?
— Moritz ne va pas bien. Ce n’est pas lui qui le dit et même il fait tout ce qu’il peut pour qu’on ne le remarque pas mais son maître d’hôtel, peu bavard cependant, ne m’a pas caché son inquiétude.
— Lisa le sait ?
— Non. Elle était déjà repartie pour Ischl et sans se rendre compte de rien. Toujours ce sacré marmot, je pense ? Décidément, elle ne voit plus que lui ! bougonna-t-il.
Sans lever les yeux de son journal, Adalbert remarqua :
— Prends garde, mon vieux, tu es en train de faire une fixation et c’est très mauvais. Tu as pris le train de nuit ? s’enquit-il.
— Oui. Pourquoi ?
— Parce que tu devrais être là depuis longtemps. Tu n’as pas trouvé de taxi ?
— Oh, mais tu m’agaces ! Est-ce que par hasard je te devrais des comptes ? Si tu veux savoir, je suis passé voir Vauxbrun mais il n’y était pas : parti hier pour Strasbourg… Satisfait ?
— Remarque, ce que j’en dis c’est parce que ici on a bigrement besoin de toi.
— Si c’est ça, commence par refermer ton journal ! Si je ne savais pas où tu as été élevé, je me poserais des questions.
— Tu veux de la lecture ? Tiens !
Et Adalbert sortit de sa poche la feuille de papier récupérée par les journalistes :
— Berthier me l’a apportée hier matin… Après quoi, j’ai pris sur moi d’aller faire une petite visite à mon confrère Aristide. Ce n’était pas très cordial mais j’ai appris des choses…
Aldo prit le temps de lire puis d’un geste vif ôta Le Figaro des mains de son ami :
— Je vois ! Les nouvelles au compte-gouttes ça commence à suffire ! Cesse de jouer les auteurs de mauvais feuilletons et raconte !
Ce fut vite et bien fait mais, à mesure qu’Adalbert parlait, la figure d’Aldo s’assombrissait :
— Il y a deux choses que je n’aime pas, souligna-t-il en conclusion : la voiture qui ressemble à la tienne et que Caroline descende de Léonard. Cela veut dire que les bijoux disparus au cantonnement du marquis de Bouillé ne l’ont pas été pour tout le monde et que le friseur s’est conduit comme un fripon même s’il s’en est repenti par la suite ce que ce papier ne dit pas.
— Remarque : s’il n’était pas intervenu, le précieux dépôt aurait été embarqué par un autre et on n’en aurait peut-être rien retrouvé. En outre, il n’a pas dû garder la totalité.
— En recoupant la liste des joyaux privés de Marie-Antoinette,
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