Les "Larmes" De Marie-Antoinette
vu le moindre taxi. En revanche, j’ai une chambre pour M lle Autié : celle de je ne sais quelle baronne atrabilaire qui a claqué hier soir la porte de la sienne en clamant qu’elle avait trouvé un cafard dans sa salle de bains ! Ce qui lui a permis de partir sans payer parce qu’elle a déposé délicatement le corps du délit sur le bureau du directeur.
— Elle avait dû le convoyer personnellement, fit Aldo en riant.
— Sans aucun doute, mais le malheureux a failli en faire une apoplexie.
On s’empila comme on put dans la petite voiture, Caroline à côté du chauffeur, la valise dans le spider, Aldo assis dessus et l’on regagna le Trianon Palace à une allure assez sage pour ne pas faire trop de bruit… C’était l’heure du ménage à l’hôtel et une femme de chambre conduisit la jeune fille à la sienne cependant que le portier prévenait Aldo et Adalbert que la marquise de Sommières désirait les voir dès leur retour…
Inquiets tout à coup ils se précipitèrent jusqu’à sa chambre dont elle ouvrit elle-même la porte : elle était blanche comme sa robe de chambre à rubans mauves :
— Je vous ai vus arriver de ma fenêtre. Plan-Crépin n’est pas avec vous ?
— Non, fit Aldo. Elle devrait ?
— Quand vous êtes partis hier soir, elle vous a suivis. Vous la connaissez : votre grand besoin si bien organisé de rejoindre vos lits a éveillé sa curiosité. Elle s’est « bâchée » et vous a filés !
— Telle qu’on la connaît on aurait dû s’en douter, grogna Vidal-Pellicorne. Où peut-elle être ?
— C’est ce que je voudrais savoir, murmura la vielle dame visiblement angoissée. Je n’aurais jamais dû lui permettre de participer à cette exposition : ça la rend folle !
— Ne vous faites pas de reproches, Tante Amélie ! Vous savez que lorsqu’elle a une idée en tête elle s’y accroche comme une arapède à son rocher… Elle était loin derrière nous ?
— Elle ne voulait pas vous perdre de vue. Or il faisait nuit et il pleuvait. Elle ne devait pas être à des kilomètres.
— Et nous n’avons pas rencontré âme qui vive, réfléchit tout haut Adalbert qui ajouta aussitôt : Mais j’y pense, quand nous sommes passés devant la maison du colonel Karloff, il y avait de la lumière. Quand elle y est arrivée derrière nous, Marie-Angéline a dû être fixée sur notre destination. Elle est peut-être entrée pour savoir si sa femme avait des nouvelles !
— Très juste ! approuva Aldo. On y va !
Mais quand Adalbert arrêta son bolide devant la maison des Russes il n’y avait trace d’aucune lumière ni d’ailleurs le moindre signe de vie. Aldo regarda sa montre :
— Il est trop tôt. J’aurais scrupule à troubler le sommeil sûrement fragile de cette malheureuse femme ! Si Karloff était revenu nous aurions trouvé autre chose que ce morne silence…
Ils restèrent assis un moment dans la voiture à regarder le ciel s’éclaircir puis se moirer de longues traînées roses. Aldo alluma une cigarette :
— L’aurore ! murmura-t-il après avoir rejeté la première bouffée. C’est, comme l’arc-en-ciel, une lumière que j’ai toujours aimée. Elle annonce en général une belle journée…
— Ou du vent ! grogna Adalbert occupé à bourrer sa pipe. Qu’est-ce qu’on fait à présent ?
— Aucune idée ! exhala Morosini avec lassitude. Toi non plus apparemment ?
— On peut patrouiller à vitesse réduite dans les rues de Versailles. Il y aura peut-être un indice ? Quelqu’un qui l’aurait remarquée… Tiens, voilà des hirondelles ! ajouta-t-il en désignant deux agents à vélo à qui leur grande cape avait valu ce surnom et qui piquaient droit sur eux.
Le premier arrivé toucha sa casquette plate en se penchant vers la portière côté passager :
— On peut savoir ce que vous faites là, messieurs ? demanda-t-il poliment.
— Nous partons, répondit Vidal-Pellicorne. Nous nous sommes avisés qu’il était peut-être un peu trop tôt pour rendre visite à une dame…
Le policier jeta un coup d’œil à la maison sans doute pour en vérifier le numéro :
— C’est M me Karloff que vous veniez voir ?
— Exactement ! Elle est l’épouse d’un de nos amis disparus et…
— Vos papiers, s’il vous plaît.
— Voilà, fit Adalbert en tirant son portefeuille. Encore que je ne voie pas pourquoi il vous les faut ? Nous sommes animés des meilleures
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