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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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effet, le père Jean acheva son oraison et s’approcha du cercueil. Il trempa le goupillon dans l’eau bénite et en aspergea par trois fois le coffre mortuaire en faisant le signe de croix. Puis il le donna à Dahud.
    La vieille lavandière se dressa et, d’un coup sec, jeta sur le corps vêtu de bois de sa fille les larmes qu’elle n’avait pas versées. Puis, avant de se placer à la tête du cercueil, figée et droite comme une chandelle de suif, elle tendit le goupillon au premier des fidèles qui s’étaient placés en file pour rendre à la morte un dernier hommage. Il s’agissait de Yann. Yann, l’ami d’enfance qu’elle n’avait plus vu depuis tant d’années.
    – Toutes mes condoléances, Maëlle. La petite ne méritait pas ça, murmura-t-il d’un ton convaincu.
    – C’est la malédiction de la fée de Barenton qui continue, grinça-t-elle d’un air menaçant. Nos enfants sont maudits, comme nous l’avons été. Qui sera le prochain ?
    Disant cela, elle jeta un œil mauvais en direction de Gwenn. Puis ce fut au tour des autres lavandières d’agiter le goupillon en retenant leurs larmes.
    – Faite semblant de pleurer, hypocrites, beaux masques, marmottait Dahud entre ses dents. En attendant, mon Annaïg est morte et vous êtes bien vivantes… Que Satan goz vous emporte, vous et vos jolis minois…
    Puis se présentèrent les vieilles, les grenouilles de bénitier, les pleureuses, les ensevelisseuses, toutes celles qui trouvaient dans la mort les ultimes joies que ne leur procurait plus la vie. Puis les voisins, les fermiers, les artisans, les commerçants, qui venaient faire à la mort l’offrande de leur présence pour tenter de l’amadouer. Dahud regardait chacun d’entre eux, visage fermé, lèvres pincées en songeant : « Il faut que ma fille soit morte pour que vous réalisiez qu’elle existait. »
    Les derniers à approcher furent les membres de la famille Montfort. Instinctivement, les villageois s’écartèrent sur leur passage, impressionnés par ces nobles distants, riches et tout-puissants.
    Par pudeur ou par crainte, les deux hommes avaient poussé devant eux Françoise et Rozenn, qui ne se sentaient guère à l’aise dans cette assemblée qu’elles ressentaient hostile à leur égard, sans en comprendre tout à fait la raison. Elles étaient de toute manière réservées et discrètes, et n’étaient point habituées à la foule. Ce n’était d’ailleurs pas de leur plein gré qu’elles étaient venues à cet enterrement. Le baron avait estimé que la meilleure façon de dissiper les soupçons qui pesaient sur Philippe était de faire corps en assistant aux obsèques de la malheureuse afin d’offrir publiquement l’image d’une famille unie.
    Françoise passa le goupillon à une Rozenn rougissante qui, les yeux tournés vers le sol pour ne voir personne, bénit à la sauvette le cercueil avant de passer le relais à Philippe qui se tenait derrière elle.
    Lorsque le jeune noble se tint devant la dépouille de celle avec qui il avait eu une liaison secrète, tous les regards convergèrent vers lui. Il se murmurait en effet que, si le charbonnier s’avérait innocent, Philippe de Montfort arrivait en seconde place sur la liste des suspects. S’il était coupable, il se troublerait certainement ou bien encore, pris de remords, il s’accuserait comme le recteur avait solennellement adjuré le criminel de le faire un instant plus tôt.
    Quelque intersigne surnaturel pouvait également se produire. Ainsi, l’on disait qu’en présence de son assassin la victime pouvait le désigner de son index tendu ou se mettre à saigner. Le cercueil, bien entendu, empêchait que ces manifestations d’outre-tombe n’apparaissent au grand jour, mais on espérait que d’autres indices plus subtils viendraient révéler la vérité aux yeux de tous. L’eau bénite refuserait de sortir du goupillon brandi par l’assassin ou s’évaporerait avant d’avoir atteint la surface du cercueil. Le bois de la caisse se mettrait à craquer. La flamme des cierges s’éteindrait brusquement, soufflée par une bouche invisible.
    Mais rien de tel ne survint et Philippe s’acquitta de sa bénédiction sans qu’un trait de son visage ne s’altère, ni que les foudres du Ciel ne lui tombent dessus. Comme pour démontrer son innocence, le jeune homme avait gardé la tête droite et affrontait sans émoi les regards braqués sur lui.
    C’est ainsi qu’il croisa celui de Gwenn,

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