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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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ça, on est servies, à force d’être au grand air ! Pas vrai, Gwenn ?
    Gwenn allait répondre lorsque Dahud rétorqua d’un ton acide.
    – Vous avez pas bientôt fini de deviser à tort et à travers comme des nigousses ? Y a que des fadaises qui vous sortent de la goule. Vous pourriez avoir le respect des morts, au lieu de vous pavaner comme des pies grièches !
    Les lavandières se turent instantanément. Depuis que le malheur avait touché Dahud, elle était devenue encore plus sévère et rigide qu’avant. Elle s’obstinait à porter le deuil de sa fille, tout encapuchonnée de voiles noirs qui ne laissaient paraître que son visage émacié, ses yeux de braise et sa bouche édentée.
    – Ça fait combien de temps qu’elle a défunté, l’Annaïg ? chuchota Margarit à Louison en prenant garde de ne pas être entendue par la doyenne des lavandières.
    – Un mois tout juste, répondit sa camarade. C’est l’anniversaire ce soir. Pas étonnant qu’elle ait pas le cœur à rire, la Dahud…
    – Elle a jamais le cœur à rire… Même avant, elle l’avait pas. Mais depuis l’histoire, ça n’a fait qu’empirer. Elle radote, elle grommelle… Quand elle nous crie pas dessus, elle parle toute seule, comme les vieux de l’hospice. Elle est devenue une vraie vire-la-lune 1 . Et puis ses yeux ! Des yeux de folle. Moi, elle me fait peur…
    – T’as raison, répondit Louison sur le même ton de confidence. Déjà que je la craignais avant, à c’t’heure j’aimerais pas me retrouver seule avec elle au doué ou dans les bois…
    – Pourquoi tu dis ça ? releva Margarit. Elle n’y est pour rien dans ce qui s’est passé…
    – Qu’est-ce que t’en sais ? insista Louison en tordant de toutes ses forces le linge trempé dont l’eau s’égouttait sur l’herbe encore humide de rosée. On a toujours pas trouvé qui a fait l’coup. Et m’est avis qu’on le trouvera jamais. Les gendarmes ont classé l’affaire, il paraît.
    Voyant que leurs deux compagnes échangeaient des ragots à voix basse, Nolwenn et Fanchon prirent à leur tourle prétexte d’un drap à tordre pour s’éloigner du lavoir et les rejoindre.
    – Vous parlez de l’affaire ? interrogea Nolwenn.
    – Et de quoi d’autre tu veux qu’on cause ? rétorqua Margarit. On disait qu’la Dahud nous flanquait la frousse, avec ses airs éberlués et sa face de carême.
    – C’est bien vrai, approuva Fanchon. Elle ressemble de plus en plus à l’Ankou ou aux lavandières de la nuit. Faut dire que tant qu’on connaîtra pas l’identité du meurtrier d’Annaïg, elle pourra pas faire son deuil comme il faut.
    – C’est c’que disait Louison, reprit Margarit. Elle disait comme ça qu’on démêlera jamais le vrai du faux, et que la vieille elle y était p’t’être pour quelque chose…
    – J’ai pas dit ça comme ça ! se défendit Louison en jetant un clin d’œil furtif derrière elle, pour s’assurer que Dahud ne pouvait pas entendre leurs commérages. J’ai juste dit qu’on savait rien et qu’on saurait jamais rien. Et quand y a pas de coupable, tout le monde est suspect… Même ceux à qui on penserait pas…
    – C’est grave, ce que tu dis là, intervint Fanchon. Ça veut dire que nous aussi…
    – Et pourquoi pas ? insista Nolwenn. Les gendarmes, ils ont mis hors du coup Philippe parce qu’il était point au doué cette nuit-là, rapport aux témoignages de sa famille. Et ils ont écarté le bossu, qui était bien au doué , lui, mais au moment où Gwenn s’y trouvait aussi. Mais ils ont p’t’être pas pensé à tout… Et s’ils étaient complices, ces deux-là ?
    – Eh ! Tu vas pas te mettre à accuser Gwenn, à c’t’heure ! s’emporta Fanchon. Pourquoi qu’elle aurait fait ça ?
    – Est-ce que je sais ? Une dispute. Une crise de jalousie. Elles en avaient toutes les deux après Philippe, faut pas l’oublier… On fait n’importe quoi par amour. Tu auraispas envie de tuer si ton Corentin i’t’mettait des cornes avec une autre, Fanchon ?
    – Qu’est-ce que tu racontes ! Il est fidèle, mon Corentin. Il regarde pas les autres filles…
    – Ah oui ? Alors pourquoi il m’a fait un clin d’œil l’autre dimanche au sortir de la messe ? répliqua perfidement Nolwenn.
    – Quoi ? Tu vas voir un p’tit peu, espèce de bougrine 2 ! J’vas t’ assotir 3 un bon coup ! Viens-t’en, que j’te file une jaffe 4  !
    Fanchon lâcha le drap et se rua

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