Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
Vom Netzwerk:
qu’il n’avait pas revue depuis le drame. Il y lut de la tristesse et de la déception. Il est vrai que la jeune fille, avec qui il avait noué depuis l’enfance des liens d’amitié et de complicité et quile considérait comme un garçon incapable de lâcheté ou de mensonge, venait d’apprendre successivement qu’il avait eu en secret à la fois une maîtresse et une fiancée. Il avait séduit puis rabroué la première, contribuant ainsi à provoquer son horrible fin. Et il avait manqué de respect à la seconde en la trompant avec une rivale dont elle devait, aujourd’hui même, saluer la dépouille.
    Gwenn avait longtemps vu en Philippe l’incarnation de l’un de ces chevaliers de la Table ronde des légendes arthuriennes, sans peur et sans reproche, assoiffé de justice et en quête d’idéal. Elle avait vu en lui un Lancelot des temps modernes ; il n’était que Mordred, le fils bâtard d’Arthur, traître à la cause dans le respect de laquelle il avait été élevé. Loïc, tout bossu et disgracié qu’il fût, sale et déguenillé, représentait bien plus sûrement les valeurs d’héroïsme et de bravoure que le jeune noble aux mœurs corrompues.
    Elle avait encore en mémoire les yeux émerveillés du charbonnier lorsque l’abbé Guilloux l’avait sacré chevalier sous le vitrail du Graal. Loïc avait rejoint la Résistance, tandis que Philippe et les siens frayaient avec les Allemands. D’ailleurs, les Montfort n’étaient-ils pas pour quelque chose dans la chasse à l’homme que les S.S. avaient lancée à l’encontre du charbonnier ? Assaillie par ces idées pernicieuses, Gwenn détourna la tête la première. Elle avait honte d’avoir accordé si longtemps sa confiance à un garçon qui ne la méritait pas.
    Philippe nota la réprobation qui se peignait sur le visage de son amie et en éprouva de la peine. Mais il avait bien d’autres soucis en tête et se devait de continuer malgré tout à faire bonne figure devant le village réuni.
    Il se tourna et tendit le goupillon à son père.
    À peine ce dernier eut-il levé le bras pour bénir la dépouille d’Annaïg que Dahud sortit subitement de son mutisme et se mit à le haranguer :
    – Malédiction ! Malédiction sur ceux qui osent profaner de leur présence le repos de ma fille ! Son sang retombera sur vous ! Sur vous tous !
    Hubert fronça les sourcils. Dahud lui avait pourtant promis de garder le silence.
    – Voyons, Maëlle, qu’est-ce qu’il te prend ? intervint le père Jean. Nous compatissons à ta souffrance, mais ce n’est pas une raison pour faire un scandale dans l’église…
    – Le véritable scandale, c’est que le responsable de la mort de ma fille coure encore les rues sans qu’on lui dise rien, rétorqua la doyenne des lavandières. C’est vous qui l’avez dit tout à l’heure. Qu’il se dénonce ! Sinon, c’est moi qui le dénoncerai ! Je dirai tout. Oui, tout !
    Les villageois se mirent à échanger des commentaires à voix haute, décontenancés par l’attitude de la mère éplorée. Elle semblait confirmer les déclarations du recteur ; le criminel se trouvait parmi eux. Mais elle allait plus loin. Elle s’apprêtait à livrer l’identité du coupable.
    – Je… Je ne tolérerai pas que…, s’emporta Hubert, au comble de l’indignation.
    Il voyait déjà le moment où cette folle de Maëlle pointerait son doigt squelettique en direction de Philippe, attirant sur lui la colère des villageois. Il fallait à tout prix la faire taire. Mais comment ? Dans l’intimité du château de Ker-Gaël, il lui avait été difficile de la calmer et, à force de promesses, de lui faire entendre raison. Mais à présent, devant tout ce monde, en pleine église, la chose se révélait infiniment plus malaisée, voire impossible.
    Hubert sentait un sentiment de rage impuissante le submerger. Rage contre Dahud, cette femme dont il avait acheté depuis si longtemps le silence et qui devenait à présent totalement incontrôlable. Mais rage aussi à l’égard de Philippe, dont l’attitude l’avait placé dans cette situationinconfortable. Et puis, si Philippe était son fils, Annaïg était aussi sa fille, et même s’il ne l’avait jamais connue, il regrettait sa disparition. Il avait eu deux enfants, qui s’étaient aimés d’un amour contre nature avant de se déchirer. Si Philippe était fautif de ce dont l’accusait Dahud, il n’était pas seulement un assassin ; il était

Weitere Kostenlose Bücher