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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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tous réunis ici pour pleurer ton départ.
    Le recteur, lentement, leva la tête.
    – Annaïg, je suis l’un des derniers à t’avoir vue vivante. Tu t’es confessée à moi la nuit même où le drame t’a frappée. Tu as déchargé ta conscience aux pieds de Dieu, car tu souffrais des tribulations dans lesquelles tu étais plongée. Tu es venue frapper à ma porte, pour implorer mon secours et celui du Seigneur. Je témoigne ici même, devant Dieu et devant les hommes, que tu es repartie apaisée, pacifiée, et que rien ne pouvait laisser présager le terrible malheur qui s’est abattu sur toi. Tu aurais dû vivre, Annaïg, et voici qu’à présent tu es morte…
    Le ton du prêtre se durcit tandis qu’il poursuivait son homélie.
    – Un instant, j’ai douté de toi, Annaïg, j’en fais ici l’humble aveu. J’ai pensé que, terrassée par l’adversité, tu avais décidé de mettre un terme à ta vie. Je te demande de me pardonner ce manque de confiance. Tu n’es qu’une victime innocente qui bientôt rejoindra le royaume de Dieu.
    Le prêtre fit une pause, qu’il mit à profit pour gratifier les fidèles d’un regard circulaire, prenant le temps de s’arrêter quelques secondes sur chacune des physionomies qui lui faisaient face.
    – Tu es une victime, Annaïg, mais ton bourreau vit encore et vient te narguer jusqu’ici. Oui, je le sais, tonbourreau est là, quelque part, attiré par l’odeur de ta mort comme un vulgaire charognard…
    Les villageois commençaient à s’entreregarder en échangeant des commentaires à voix basse. Que voulait dire le recteur avec ses imprécations ? Il semblait accuser quelqu’un de la mort d’Annaïg. Mais qui ? Le charbonnier ? Il n’était pas venu à l’enterrement de la lavandière. Il était même sans doute le seul à ne pas être présent.
    Le recteur reprit d’une voix forte, en pointant son index vers le haut, comme s’il prenait le Ciel à témoin :
    – À présent, ce n’est plus à Annaïg que je m’adresse, mais à son meurtrier. Je voudrais lui dire que son acte est terrible et qu’il encourt une lourde peine. Mais en ôtant la vie, il a aussi offensé Dieu, et s’expose à de terribles châtiments, non seulement dans cette vie, mais surtout dans l’autre. Heureusement, le Seigneur est magnanime et il peut accorder son pardon, même au pire des pécheurs, à condition que celui-ci se repente et que son repentir soit sincère. C’est pourquoi je prie le Seigneur, tous les saints et la Vierge Marie pour qu’il entende mon appel et se dénonce de lui-même, devant le tribunal des hommes et celui de Dieu. Car j’ai tout lieu de croire que l’assassin d’Annaïg se trouve actuellement ici, dans cette église !
    Les fidèles réagirent à cette révélation en poussant des exclamations, tandis que les vieilles manquaient s’évanouir. Un assassin parmi eux, dans l’église de Concoret ? Ils imaginaient déjà l’un d’entre eux tirer un couteau de sa poche pour égorger ses voisins. Un assassin ? Mais qui ? Ce ne pouvait être le charbonnier, puisqu’il était absent. Alors qui ? Le père Levasseur, qui lorgnait parfois la petite avec des yeux gourmands ? Ou bien Philippe de Montfort, dont on disait qu’il contait fleurette à la lavandière, le soir, près du doué  ? Et pourquoi pas son père, Hubert de Montfort,que son chien noir faisait passer pour un meneur de loup ? Un assassin était là, caché au milieu de la foule, et les menaçait tous.
    Au premier rang, Dahud fixait le recteur avec, dans les yeux, des éclairs de folie. Les invectives qu’il lançait à travers l’église répondaient à ses propres tempêtes intérieures. Oui, le meurtrier d’Annaïg se trouvait en ces lieux, mais ce n’était pas elle. Elle s’était contentée de libérer sa fille, de la purger des poisons que d’autres lui avaient instillés. S’il fallait désigner un criminel, c’était à Philippe qu’on devait s’en prendre, voire à Hubert, cette engeance de séducteurs par qui la flétrissure venait aux filles. C’est eux qui méritaient l’échafaud et la guillotine. Les beaux parleurs, les merles moqueurs, les diseurs de menteries. Elle n’avait fait que laver dans le sang la tache que les chasseurs avaient imprimée sur le poitrail de la blanche hermine. « Plutôt la mort que la souillure. » Telle était la devise de l’animal mythique, et celui de la Bretagne et de ses enfants.
    Après avoir produit son

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