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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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gendarmes sont là-bas, enchaîna-t-il en faisant un mouvement de tête en direction de la porte. Ils veulent t’interroger. C’est eux qui auraient dû venir, mais j’ai préféré te parler le premier. Tu devines pourquoi ?
    Dahud gardait le silence mais l’acuité de ses yeux noirs prouvait qu’elle écoutait très attentivement ce que lui disait le prêtre.
    Le père Jean joignit les mains et ferma les paupières, sans qu’on pût dire s’il réfléchissait ou s’il priait. Puis il se décida et, posant ses deux mains à plat sur la table, planta son regard dans celui de la lavandière.
    – Je suis confronté à un cas de conscience, Maëlle. Et j’ai besoin de toi pour le résoudre. Avant de parler aux gendarmes, il faut que tu te confies à moi… Il faut que tu me dises la vérité, que tu soulages ta conscience…
    – Tu sais tout, curé, sinon tu ne serais pas là, répondit la vieille femme d’une voix rauque.
    Le recteur l’observa un moment, sans relâcher la tension de son regard. Dahud venait de rompre le vœu de silence qu’elle s’était juré de respecter.
    – Ce que je sais, c’est qu’Annaïg est morte et qu’on l’a retrouvée ce matin plongée dans le lavoir, reprit-il. Mais la façon dont elle est morte, ça, je l’ignore. Or, tout reposesur la cause de cette mort tragique. Annaïg a-t-elle mis fin volontairement à ses jours ? C’est cela que tu dois me dire.
    – Quelle importance ? rétorqua brutalement Dahud. C’est pas en sachant le pourquoi du comment qu’elle reviendra…
    Le prêtre durcit son regard et bascula son buste en avant, au-dessus de la table, pour se rapprocher de Dahud. Ses mains n’étaient plus jointes mais serrées l’une contre l’autre au point que les jointures de ses doigts blanchissaient.
    – C’est très important au contraire, Maëlle. Pour les gendarmes comme pour moi, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons.
    Dahud se troubla, son regard se voila. Le recteur haussa la voix, en martelant la table de ses poings réunis.
    – Si Annaïg s’est suicidée, les gendarmes classeront l’affaire et bientôt personne n’en parlera plus. Pour eux, c’est la solution la plus simple, tu comprends ? Une pauvre fille qui se jette à l’eau par chagrin ou désespoir, c’est bien triste, mais personne ne l’y a forcée. Mais si son acte n’est pas délibéré, si elle n’est pas la cause de sa propre mort, alors là, c’est très différent.
    Le curé posa les mains à plat sur la table et se recula légèrement, comme pour prendre de la distance.
    – Les gendarmes ouvriront une enquête. Il ne s’agira plus d’un suicide mais d’un crime…
    Le prêtre marqua un silence, afin que Dahud prenne l’exacte mesure de ses paroles. Puis il enchaîna aussitôt :
    – Ça, c’est le point de vue des représentants de l’ordre. Mais l’Église ne raisonne pas comme la loi. Si Annaïg a été tuée, c’est terrible pour elle, mais elle n’y est pour rien. Tandis que si elle a commis un suicide, elle s’est volontairement retranchée de la communauté des chrétiens et son âme ne pourra jamais rejoindre le royaume de Dieu.
    – Qu’est-ce que ça fait ? marmonna Dahud en haussant les épaules. Maintenant qu’elle est morte…
    Le recteur s’emporta de nouveau.
    – Ça fait que je n’aurai pas le droit de célébrer sa messe d’enterrement et qu’elle ne pourra reposer à l’ombre de la croix au cimetière ! Aux yeux de Dieu, le suicide est un crime. C’est pourquoi je dois savoir la vérité. Je dois savoir pour qui je dois prier. Pour l’âme d’Annaïg rejetée en enfer ou pour celle de l’assassin qui lui a ôté la vie… Tu comprends, Maëlle ?
    Dahud avait de nouveau le regard dans le vague. Le père Jean savait d’expérience que, confrontés à la perte de leurs enfants, les réactions des parents étaient imprévisibles. Certains se répandaient en larmes, d’autres demeuraient stoïques. Ils pouvaient également rester dans le déni, refusant tout simplement d’accepter le décès de leur progéniture. Tous souffraient, mais ils manifestaient leur douleur de façon différente.
    Dahud pouvait se murer dans le silence. Mais elle pouvait aussi être touchée par la grâce du repentir et tout lui révéler.
    Sous la voilette, le recteur pouvait voir les lèvres de la vieille femme se serrer, puis frémir. Ses mains osseuses commençaient à être prises de tremblements. D’une voix cassée,

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