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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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qui ne quittait jamais sa cible de vue avant d’avoir fondu sur elle, qu’il s’agisse d’un camp ennemi à bombarder, d’un adversaire à affronter ou d’une femme à conquérir. Un regard d’aviateur, de séducteur et de chasseur.
    Après s’être illustré dans l’aviation lors de la Première Guerre mondiale, il avait rejoint dès sa fondation le N.S.D.A.P., le tout nouveau parti nazi, et s’était enrôlé dans la S.A., dont il devint chef de brigade avant d’être élu au parlement prussien en 1933. Ami intime du maréchal Hermann Göring et du chancelier Adolf Hitler, il avait été élevé au début du conflit au grade de capitaine, puis de commandant de la Luftwaffe.
    Lorsqu’il avait pris la direction du camp du Point-Clos, le major avait cédé à l’une de ses passions et fait planter, aux abords du terrain militaire, un arboretum constitué d’essences rares provenant du Japon ou d’Afrique, peu coutumières sous le ciel de Bretagne. Il y avait là des cyprès, des cèdres, des érables, des platanes, des rosiers sauvages, et même des palmiers et des rhododendrons. Il aimait à se promener, tout de blanc vêtu, au milieu de ces plantations exotiques, rêvant de colonies lointaines au climat chaud etaux filles faciles. Il en respirait les fragrances avec la même volupté qu’il mettait à humer le parfum des femmes.
    Ces goûts raffinés et cette nature de jouisseur et d’esthète avaient adouci le caractère du major, favorable à une entente pacifique avec les peuples occupés. Il méprisait les noirs S.S., à cause de leurs comportements barbares et de leur politique du soupçon, et leur reprochait de passer leur temps à mener des actions de basse police. Il préférait les plaisirs à la torture et la séduction à l’espionnage. Il se targuait d’être un bon vivant, pétri de culture et de bonnes manières, et ne retenait de la guerre que le repos du guerrier.
    – Vous savez que notre Führer, préoccupé à juste titre par les questions de pureté raciale, tient en haute estime le peuple breton, poursuivit le major Ernst en acceptant la coupe de champagne que lui tendait le baron. De toutes les régions françaises, la Bretagne est la moins dévoyée quant à la qualité de son sang. Les Bretons sont des Celtes, donc des Aryens, comme les Germains. C’est pourquoi le Führer a insisté pour que vos congénères soient traités avec plus d’égards et de considération que les Latins, par exemple, et autres rastaquouères levantins aux gènes embrouillés par des siècles d’invasions orientales. Les Bretons sont les Allemands de l’ouest de l’Europe. Aux Bretons !
    À ces mots, le major leva sa coupe, avant d’en vider le contenu avec un plaisir non dissimulé. Il fut aussitôt imité par les Montfort.
    Philippe dévisagea le major, qu’il dépassait d’une bonne tête, et lui répondit d’un ton qui frisait l’insolence :
    – Si votre Führer tient en aussi haute estime notre peuple, pourquoi a-t-il permis le charcutage de la Bretagne édicté par les décrets infâmes du 30 juin 1941, réduisant les cinq départements bretons au nombre de quatre etboutant hors les frontières Nantes, la capitale historique de la Bretagne ?
    – Philippe, je t’en prie…, le reprit Françoise, inquiète du tour que prenait la conversation.
    – Laissez, madame…, la rassura le major en levant une main en signe d’apaisement. J’aime les discussions politiques et sais apprécier la contradiction, lorsqu’elle est formulée avec la passion et l’enthousiasme de la jeunesse.
    Puis, se tournant vers Philippe :
    – Jeune homme, sachez que je vous donne entièrement raison. Mais n’oubliez pas que le chancelier Hitler n’est pour rien dans ce découpage abusif. Il a été ordonné par le maréchal Pétain et l’amiral Darlan. Or, malgré ce que prétendent les Anglais enjuivés et les cow-boys américains, l’Allemagne est un pays pacifique et tolérant, qui évite de se mêler des affaires intérieures des pays qu’elle protège…
    – … qu’elle occupe, corrigea Philippe.
    Alfred Ernst se fendit de son plus gracieux sourire.
    – N’entrons pas dans une querelle de mots, jeune homme. Vous êtes vif, ce qui n’est pas pour me déplaire, mais vous êtes également trop intelligent pour vous laisser abuser par les manipulations rhétoriques de nos ennemis. L’Allemagne nazie est la nouvelle Rome, ne l’oubliez pas. Hitler est l’égal de César et de

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