Les Lavandières de Brocéliande
aujourd’hui…
Le commandant allemand laissa flotter un mince sourire sur son visage.
– Et, bien entendu, il s’agit d’une fausse allégation…
– Bien entendu, confirma Philippe.
Le major porta son regard vers Rozenn, qu’il dévisagea avec insistance.
– Et mademoiselle votre fiancée peut en témoigner, n’est-ce pas ?
Rozenn baissa les yeux, embarrassée.
– Philippe n’a pas quitté le château. Nous avons passé la soirée ensemble, murmura-t-elle d’une voix timide.
– Quelle femme parfaite vous serez pour votre futur mari, mademoiselle… Un tel dévouement est si rare, de nos jours… Vous feriez n’importe quoi pour lui, n’est-ce pas ?
La jeune fille garda le silence. Elle se sentait mal à l’aise chaque fois que l’officier allemand lui prêtait attention. C’est Philippe qui répondit à sa place :
– Rozenn est fidèle à son engagement vis-à-vis de moi, comme je le suis également.
Le sourire du major s’élargit.
– Quel beau couple d’amoureux vous formez… C’est très touchant, vraiment. Je me demande bien comment certains osent imaginer que vous délaissiez une aussi jolie colombe pour aller batifoler avec une simple perdrix, n’est-ce pas, Philippe ?
– Rozenn et moi sommes très unis, répliqua le jeune homme d’un ton sec.
– Et vous avez toute confiance en elle, comme elle peut avoir confiance en vous…
– Évidemment.
Le major regardait alternativement Philippe et Rozenn, avec une expression de chat gourmand.
– Je ne saurais tolérer qu’un vulgaire charbonnier cherche à contrarier pareille union, reprit-il d’un air entendu. Surtout s’il s’avère, comme le suggère monsieur lebaron, qu’il a partie liée avec les terroristes de la forêt. Encore une fois, je me refuse à influencer le déroulement d’une enquête menée par les forces de police française. Qu’il soit ou non coupable de ce crime, je n’ai pas à le savoir. En revanche, s’il représente un danger pour la sécurité de mes troupes, c’est autre chose… Je peux transmettre dès demain matin l’information à mes collègues de la S.S. Je suis sûr qu’ils sauront dissuader ce charbonnier rebelle de continuer à répandre ses médisances. Si cela peut vous aider à retrouver votre sérénité, je m’acquitterai bien volontiers de cette tâche. Disons que cela sera, avec un peu d’avance, mon cadeau de mariage !
– Nous ne savons comment vous remercier pour…, s’empressa d’ajouter le baron qui voyait ses plans se réaliser à merveille.
– Vous n’avez pas à me remercier, c’est tout naturel ! trancha le major. C’est à moi, au contraire, de vous remercier pour l’excellente soirée que j’ai passée en votre compagnie… D’ailleurs, il se fait tard et je vais devoir regagner ma caserne.
– Vous partez déjà ? Comme c’est dommage, s’exclama poliment Françoise. Votre conversation est si passionnante…
– Hélas oui, chère madame, répondit le major en se levant de table. Mais cette invitation sera à charge de revanche. À ce propos…
Son regard d’aigle se planta dans les yeux de Rozenn.
– Mademoiselle, me feriez-vous l’honneur de venir contempler demain les espèces rares de mon arboretum ? Je suis sûr que votre sensibilité féminine saura apprécier ce jardin d’Éden que je me suis efforcé de reconstituer… Vous n’y voyez pas d’inconvénient, Philippe ? Comme vous l’avez fait remarquer, vous formez avec votre fiancée un couple siuni que vous ne pouvez qu’avoir une totale confiance en elle, n’est-ce pas ? Et puis, comme vous l’avez dit, elle n’a que trop peu l’occasion de quitter le château. Une promenade au grand air ne peut que lui faire du bien…
La jeune fille jeta un regard effrayé vers Philippe, mais ce dernier fit mine de ne pas le remarquer.
– Rozenn a été souffrante et n’est pas sortie depuis longtemps, en effet, dit-il d’une voix glacée. Je suis sûr que cette distraction l’enchantera…
– Quelle bonne idée ! renchérit Françoise. Mais, sans vouloir abuser de votre gentillesse, pensez-vous que je pourrais aussi…
– Votre tour viendra, n’ayez crainte, répondit courtoisement l’officier. Voyez-vous, cet arboretum est un peu mon refuge, mon coin de nature préservé, mon temple secret. Les rares personnes que j’y invite entrent en quelque sorte dans mon intimité et je tiens à les accueillir comme il se doit, sur le ton de la
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