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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vue qu’il prenait de temps en temps place au sommet du donjon. Son cor, suspendu à son cou par une guiche de soie vermeille, lui battait la hanche.
    — C’est moi qui ai sonné, dit-il sans s’empêtrer dans des marques de respect. J’ai cru voir des ombres en bas.
    Il clignait de l’œil à force d’avoir trop sondé l’obscurité. Il retira sa cervelière ruisselante et passa une main blême, crochue, dans ses cheveux gris, incultes, puis sur son menton buissonneux.
    — De toute façon, il y a des feux, moult feux : quelques-uns vers la Berlandie, l’Egadauds, Paleyrac… Mais où ils sont le plus, c’est près des Banchereaux.
    — Allons voir !
    L’un derrière l’autre, Guillaume, ses filles, Ogier, Blanquefort et leurs commensaux gravirent les hautes marches dont un pharillon, de loin en loin, éclairait la spirale. Ils débouchèrent au faîte du donjon. La pluie les assaillit, si épaisse et si froide qu’elle mit le baron en fureur.
    Un instant, alors qu’une bouffée de vent déchiquetait le rideau de l’averse, Ogier put voir, entre les touffes et les haies d’épiniers, le chemin conduisant à la forteresse. Au-delà de la motte, sitôt après les prés, les champs, les vignes, c’était l’immense empire sylvestre : des millions de troncs de toute forme et de toute grosseur, et dessus, la formidable épaisseur des feuillages. Il n’y avait que cinq ou six clairières dans ces forêts profondes comme des océans. À la tonsure de celle des Banchereaux, des feux brillaient – une trentaine – et quelques-uns aux lieux signalés par Rigaud. Ils clignotaient à la façon des étoiles, s’engloutissaient parfois dans la nuit, pour mieux réapparaître, régénérés par ces bains de noirceur.
    — Comment des branches peuvent-elles flamber par ce temps ? s’étonna le chapelain d’une voix lourde, essoufflée.
    — Les granges ne manquent pas, alentour, répondit Bressolles. Pleines de paille et de foin…
    — Eh oui, fit Guillaume. Et les fagots pour l’hiver n’ont pas été rentrés.
    — S’agit-il des routiers ? demanda Tancrède en plaquant ses mains sur ses cheveux. En ce cas, ils sont peu nombreux.
    — Comment savoir quel est leur nombre ? Anglais ? Gascons ou quelque compagnie du duc Jean – qui sait ? S’ils restent, nous le saurons dès le petit jour… Mais ne t’attarde pas ! Tu vas prendre mal… Et toi aussi, Claresme… Descendez !
    —  Ton père a raison, Tancrède, approuva Ogier. Déjà, te voilà trempée.
    Il était échevelé, lui aussi, et frissonnait, moins de froid que d’expectative.
    — Je sais, cousin, ce que j’ai à faire.
    Dédaigneuse, elle alla s’immobiliser entre deux merlons. Là, les bras croisés, elle sembla braver la pluie, le vent, l’espace.
    Blanquefort venait de longer le crénelage :
    — Saint-Rémy va avoir affaire avant nous à cette racaille.
    — Rigaud, appela Guillaume.
    — Messire ?
    — Cours en bas. Dis aux sergents et aux archers de se préparer. Mais qu’ils demeurent à l’abri… Je vais les rejoindre et leur ouvrir mes remises… Nous ne manquons de rien pour dissuader n’importe qui de nous assaillir !
    Le baron ne cessait de considérer les feux lointains. Il cracha dans leur direction, puis se tournant vers ses architectes :
    — Messires, dès que l’aube aura crevé, voyez ce qu’il y a urgence à achever. Si nous avons affaire à de la truandaille, je veux que vos défenses puissent leur résister sans la moindre défaillance.
    — Nous allons prendre nos dispositions, messire.
    Le maître d’œuvre entraîna Bressolles vers l’escalier. Ils disparurent.
    — Hugues ?
    Blanquefort s’approcha du baron.
    — Il convient d’avertir Saint-Rémy. Ses guetteurs ne peuvent voir ces feux, de l’autre côté des boces [226] , même du haut de son donjon.
    — Avez-vous, messire, perdu subitement la mémoire ?… Avez-vous oublié comment il nous a reçus ?
    — Nullement. Mais mon devoir de parent, et mieux : de chevalier, consiste à prévenir cet homme. De plus, il me faut Haguenier et Renaud. Je leur dois aide et protection ; en revanche, ils sont astreints à la défense de cette bastille… Désigne un gars pour alerter ce vieux larron… et si tu n’as pas confiance, eh bien, vas-y !
    Le sénéchal s’éloigna, mécontent. Ogier fit un pas :
    — Mon oncle, nul mieux que moi ne connaît le chemin le plus court pour atteindre Saint-Rémy. J’irai, si

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