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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’elle fuyait avec lui !
    — Il n’y a pas que Griveau à l’avoir décidée. Il y a autre chose que vous savez, et que vous lui avez juré de me taire. Pas vrai ?
    Margot acquiesça. Mais il sut qu’elle ne dirait rien – du moins devant son époux.
    — Qui sait, messire, soupira le forgeron compatissant, elle sera peut-être plus quiète en forêt que nous dans nos murailles.
    Ils sortirent. La pluie tombait toujours, fine comme une fumée. Ogier s’avisa soudain que la maison du bûcheron jouxtait celle de l’Henriette.
    « Si tout se passe bien et que l’Anglais s’en va, et moi après lui, ce huron lui proposera le mariage… Un trou dans le mur mitoyen, et elle aura un logis plus vaste… Il est vaillant, il consolidera tout. »
    Une scène précise s’enfonça dans son esprit, aussi nette qu’un sceau dans une cire tiède : le grand corps d’ours de Thibaut étreignant celui d’Anne. Alors, la colère le prit :
    — Tu sais, Margot, comme je lui suis attaché. Tu sais que je dois bientôt la quitter, et tu n’avais aucun mal à imaginer combien me seraient précieux les derniers jours passés auprès d’elle. Et malgré tout, tu l’as laissée partir !… Dis-moi la vérité. Je suis assez solide pour la recevoir telle quelle !
    — Vous avez tort, messire, de vous mettre en cet état…
    Margot ruisselait ; sa camisole et son jupon lui collaient au corps.
    Ses cheveux adhéraient à son cou, ses épaules ; elle frissonnait de froid et de peur.
    — Elle ne va tout de même pas se mettre en ménage avec ce boquillon !… Il pourrait être son père !
    — Elle ne nous a rien dit, intervint Gilles, secourant sa femme indécise. Thibaut est rude et bon. Un huron, certes, mais serviable… Le meilleur du village. Et il manie la cognée mieux que certains la masse d’armes !
    — Justement, il aurait dû venir renforcer nos rangs.
    — Si vous n’étiez là-haut, il y serait monté.
    — En voilà un qui ne m’a jamais adressé la parole. Il me hait ?
    — Je ne sais, messire. Mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il protégera Anne aussi bien que vous.
    Presque agressivement, Margot ajouta :
    — Quand vous serez à cent lieues d’ici, que vous importera le sort de ma sœur ! Laissez-la agir à sa façon… Vous savez qu’elle a du bon sens… C’est tout ce que je peux vous dire… Pas vrai, Gilles ?
    Le forgeron eut un geste d’incertitude, puis il souleva son sac et l’assura sur son épaule.
    — Vous remontez avec nous ?
    — Non, dit Ogier en s’éloignant du couple. Je vais à Saint-Rémy. Il faut les prévenir.
    — Les prévenir ? s’étonna la chambrière. Les Goddons y sont peut-être déjà. Thibaut nous a dit qu’ils se répandaient partout… Vous risquez…
    — Eh oui, je sais ce que je risque… Allez, remontez en hâte et gardez-vous.
     
    *
     
    Trempé, frissonnant et hargneux, le damoiseau courut sur le sentier menant à la forêt. Il la longerait jusqu’à la Croix-Noire et couperait ensuite en direction de l’Isle. Alors, il lui faudrait se montrer attentif avant d’atteindre la rivière, car les extrêmes feux des routiers ne seraient qu’à quelques enjambées.
    « Où sont-ils allés ?… Quelle caverne ?… Sangdieu, si je me doutais ! »
    Mais il s’était douté : Anne n’était plus la même depuis plusieurs semaines. Il l’avait interrogée sur sa maussaderie, sa pâleur et ses nerfs. En vain.
    « Quelque chose là-dedans n’est pas net. »
    À sa fureur jalouse, à son déchirement, il s’apercevait qu’il l’aimait plus encore qu’il ne l’avait pensé.
    Il trébucha, marcha, courut encore, jurant quand il chancelait ou glissait. Lorsqu’un grand pin jaillit au-dessus d’un réseau de ramures, il sut qu’il avait couvert une demi-lieue : la moitié du parcours.
    Il s’engagea sur un chemin abrupt, miroitant et blanc comme une coulée de glace, et la Croix-Noire apparut, amputée d’un bras, l’autre servant de perchoir à une hulotte. Importuné dans sa méditation, l’oiseau plongea et s’engloutit dans un fourré.
    Ogier contourna le calvaire dont le tronc de granit ruisselant arborait çà et là des bourgeons de lumière. Il traversa un pré, s’englua dans des taupinières, atteignit une ravine et, à courtes foulées, la longea en direction de la forêt dont les premiers arbres n’étaient plus qu’à quelques toises. Lorsqu’il en fut tout près, il s’arrêta, ôta son

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