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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Aude en mariage… Un écuyer et trois sergents l’accompagnaient… Ils se sont ri de moi en franchissant le pont-levis.
    — Et pourquoi ?
    — Pour rien… Parce qu’ils sont mauvais… J’ai suivi Blainville et écouté aux portes… Quand j’ai su ce qu’il venait demander à Mère, et les bourdes qu’elle recevait après son refus, pourtant courtois, mon cœur s’est serré… Je les ai moqués lorsqu’ils sont repartis…
    — Tu as bien fait…
    Godefroy d’Argouges avança en direction de Blainville qu’Ogier vit gravir une marche et serrer tout à coup la poignée de son arme.
    — Il y a aussi comme une offense, messire le truchement du roi, à ce qu’un seigneur dévoyé comme vous prétende entrer dans une famille honorable… Les deux lions de mes armes n’ont que faire du griffon figurant sur les vôtres… Mais là n’est pas mon propos !… Je vous ai demandé ce que vous vouliez entreprendre. Nous avons passé plus d’une semaine en mer… Pour rien, sinon pour épuiser les chiourmes, les vivres et la patience des hommes. Nous voici à la veille de la Saint-Jean-Baptiste et plutôt que de ranger les côtes de l’Angleterre, nous avons aperçu Dunkerque… après Calais ! Avez-vous oublié qu’Édouard et ses nefs doivent appareiller pour la Flandre et que si nous voulons les vaincre, il nous faut les attendre en pleine eau ?… Mais sans doute voulez-vous faire parade de nos vaisseaux devant ces Flamands qui nous haïssent… Il est vrai qu’à ce jeu…
    Richard de Blainville s’apprêtait à répondre lorsqu’un gabier souffla dans son cornet, puis hurla, le torse et les bras hors du tonneau de hune :
    — Singles [41] en vue !… Oyez ! Oyez !… Singles en vue !… À l’arme ! À l’arme !… La navie anglaise à bâbord !
    — Qu’on se hâte à la manœuvre ! cria Blainville au gros Wylard Lardot qui venait d’apparaître sur le seuil du paradis. Quant à toi, Argouges, je te retrouverai !
    Et en courant, il remonta l’escalier.
     
    *
     
    Les Français se trouvaient devant l’île de Kadzand, à l’embouchure de l’Escaut. Trois nefs d’avant-garde anglaises [42] venaient d’apparaître derrière lesquelles, voiles gonflées, bannières frémissantes et disposés en ordre de bataille, deux cents vaisseaux se déployaient afin de manœuvrer plus à l’aise : le roi d’Angleterre cinglait vers l’Écluse [43] pour assister son beau-père et les Flamands dans leurs combats contre Philippe VI et ses armées.
    — À l’arme ! À l’arme ! répétèrent sur tous les bâtiments les vigies tandis que çà et là, des trompes et des cornets sonnaient le branle-bas et que les chaînes des ancres de proue grinçaient contre les écubiers.
    Les arbalétriers du Christophe prirent place derrière les pavesades [44] . Les seigneurs et les écuyers confinés dans l’entrepont, parce qu’il y faisait moins chaud que partout ailleurs, surgirent des écoutilles et posèrent des questions auxquelles, en guise de réponse, il suffisait de tendre le doigt vers la flotte ennemie. Aussitôt les imprévoyants replongèrent dans le ventre du navire pour y revêtir leur harnois de guerre ou ceindre leur épée accrochée au râtelier d’armes ; quand ils réapparurent, la plupart s’agglomérèrent à bâbord et à la proue afin de surveiller les évolutions des Anglais qui, prudents, commençaient à réduire la toile.
    « Enfin ! » se dit Ogier.
    Après tant de jours de navigation fastidieuse, cet imminent péril provoquait, dans son esprit, une sorte de capiteux vertige. Son ébahissement et son soulagement, profonds, intenses, le frappaient si fortement au cœur que son sang y semblait secoué au rythme d’une course.
    — Enfin ! dit-il à Blanquefort, adossé, impassible, au maître mât.
    Il avait soif de mouvement, de bataille ; il avait hâte d’assister aux prouesses dont tous ces hommes, autour de lui, étaient capables, et au besoin de les y aider. L’air de la mer, soudain, lui paraissait tellement plus vif qu’il en grelottait.
    « L’air ? se demanda-t-il. Non, l’émoi où cette apparition m’a plongé. » En tout cas, il n’eût pas frissonné davantage un matin de neige à Gratot. Lorsque la main du sénéchal se posa, lourde et protectrice, sur son épaule, il fut près de s’indigner. Il n’était plus un enfant.
    — Nous nous battrons sans doute, dit Blanquefort d’une voix unie, pour une fois dépourvue

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