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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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barbu débonnaire, avec lequel son père s’était entretenu quelquefois, fût vêtu d’une robe et d’un chaperon gris, comme un bourgeois endimanché.
    Lancelot de Longval s’approcha. Il eut un rire léger, presque efféminé :
    — Je respecte les vieillards, dit-il. Mais un temps vient, quand l’âge vous a bien amoindri comme Kieret, où, plutôt que de guerroyer, il vaudrait mieux songer à faire la paix… avec Dieu.
    Il était jeune – vingt ans, sans doute –, blond et pâle. Une houppelande fourrée de peaux et de queues de renards s’entrouvrait sur son haubert fendu à la mode ancienne – sur le devant et les côtés. Il n’avait pu se séparer de ses éperons. Il était coiffé d’un heaume à calotte conique, surmonté d’un gland d’or auquel pendait une chaînette – un bracelet de femme adulée – ; il se tourna vers Évrecy :
    — Il serait bon, Gauthier, que tu ailles troquer le velours de cette robe contre de bons anneaux insensibles aux coups. Bientôt, sur ce pont, il grêlera du fer et du feu !
    — Mais où est donc passé Blainville ? demanda tout à coup Blanquefort.
    — Disparu, envolé, dit Guillaume de Rechignac dont les mains crochetées par les pouces simulèrent un battement d’ailes.
    — Essaie donc de savoir ce qu’il trame, demanda Godefroy d’Argouges à son fils. Mais surtout, ne te fais pas découvrir.
    La nuit tombait. Ogier parcourut le Christophe, couvert çà et là par les ombres immobiles des dormeurs. Chez les Génois, la discipline se relâchait : ils avaient abandonné les pavesades. Leurs cranequins, leurs arbalètes et leurs carquois jonchaient le pont. Certains jouaient aux osselets et aux dés. D’autres se disputaient. Quant aux barons et chevaliers, la plupart d’entre eux avaient regagné l’intérieur du navire.
    — Allons, ce n’était qu’une alarme sans conséquence, dit Étienne de Liancourt en étouffant un bâillement. Je vais dormir. Si les Anglesches avaient eu l’intention de nous affronter, nous nous battrions déjà.
    « Mais alors, pourquoi ne partent-ils pas ? » se demanda Ogier.
    Quand l’obscurité fut épaisse, il aperçut Blainville à la pointe du château d’avant déserté par son guetteur. Après avoir regardé vivement autour de lui, le favori de Philippe VI découvrit la lanterne qu’il dissimulait sous sa houppelande et l’agita en direction des Anglais.
    — Par Dieu, il les défie !… À moins qu’il ne s’agisse d’un signal… S’il recommence, je cours avertir mon père…
    Mais Blainville jeta la lanterne à la mer et redescendit sur le pont.
    Il passa près du garçon accroupi derrière le cabestan, salua de la main trois arbalétriers que son attitude – s’ils l’avaient surprise – avait laissés indifférents, puis gravit à pas lents l’escalier d’accès au paradis.
    — Ça alors !
    Perplexe, Ogier alla s’étendre entre son oncle et son père.
    — J’ai vu Blainville.
    — Par pitié, mon gars, oublions-le. La bataille est pour demain et je dois m’y préparer.
    — Soit… Blainville, père, est peut-être un malandrin plus malfaisant encore que nous l’imaginions… Demain, je vous en parlerai.
    Soudain, des rires, des voix, des chants de femmes traversèrent la nuit silencieuse et chaude.
    — Putains ! grogna quelque part Blanquefort.
    — Putains, non, dit Godefroy d’Argouges. Ce sont les comtesses, les baronnes, les bourgeoises et leurs meschines [52] … Elles vont à Gand où les attend la reine Philippa. Si nous avions attaqué, nous aurions peut-être pu isoler cette nef, nous emparer de ces femmes et contraindre Édouard à négocier…
    — Bah ! grogna de nouveau Blanquefort, dont Ogier, soulevé sur un coude, distingua la forme allongée, proche de son oncle. À quoi bon songer à tout ce que nous n’avons pas fait.
    — Taisez-vous ! protesta un homme quelque part.
    — On a sommeil ! cria un autre.
    Godefroy d’Argouges toussota ; sa voix devint un chuchotement :
    — Mon gars, ces démons vont se venger du pillage de Hantonne [53] . C’était voilà deux ans, un dimanche matin. Les Goddons assistaient à la messe. Pas le temps de se défendre. Les femmes ont été violées dans l’église, sur les corps de leurs maris trépassés… Tous les enfants furent occis. Celui qui commanda ces meurtres, c’est Kieret.
    — S’ils le prennent, dit Blanquefort, ils lui couperont les couilles.
    Godefroy d’Argouges approuva

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