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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et minces.
    — Toi alors ! dit-il, le cou serré dans un carcan d’émoi si douloureux qu’il n’eût pu ajouter un mot.
    — Je n’ai rien à craindre de vous.
    Elle se glissa dans les draps. Saladin eut un petit grognement de déplaisir et se lova dans le creux formé par les deux corps immobiles.
    — La bonne nuit, messire !
    Était-elle naïve ou provocante ? Et vierge avec de pareilles façons ? Il se tourna sur le flanc.
    « Quelle fille ! »
    Il sentit une main preste s’égarer sur la couverture, toucher Saladin, tâtonner encore. Son cœur battit follement quand elle se posa sur sa dextre.
    — Vous êtes bon, messire, et vous êtes loyal.
    — Certes… Mais…
    — Je vous aiderai.
    Avait-elle chuchoté aiderai ou aimerai  ? Si c’était aiderai , que voulait-elle lui signifier ?
    Il était ravagé de dépit, d’étonnement et de désir. Il retomba sur le dos, furieux d’avoir formulé une promesse insensée. Alors qu’il aurait dû tâtonner cette fille, et même la forniquer avec plus d’ardeur que Bertine, il était là, roide, empêtré dans ses velléités et ses rancunes, victime d’une générosité inepte et livré aux puissantes vagues de ses obsessions.
    — Soit, dit-il, j’attendrai.
    Il eut un soupir aussi pitoyable qu’un sanglot et, cessant de regarder les solives brunes du plafond, il libéra sa main pour saisir le cierge et souffler sur sa mèche.
    Noir total, empli par trois souffles inégaux dont celui, plus court, de Saladin.
    — Messire ?
    — Quoi ? demanda Ogier, hargneux.
    — Redonnez-moi votre main.
    Il la lui abandonna.
    Elle la plongea sous les draps.
    Muet et ravagé par un émoi dont il n’eût pu auparavant soupçonner la puissance, Ogier sentit sous ses doigts la courbe d’une clavicule. Ils s’immobilisèrent sur un sein au téton durci.
    Il voulut descendre vers les profondeurs plus veloutées, mais des ongles s’incrustèrent dans la chair.
    — Eh ! tu me fais mal.
    — Alors, pour cette nuit, restez-en là, messire ! Respectez-moi.
    — Tu es folle ! Tu m’encourages à te…
    Elle rit et murmura d’une voix soudain attendrie :
    — Je vous appartiendrai un jour, messire…
    — Alors pourquoi attendre ? Et cesse de me donner du messire !
    —  Soit, Ogier… Si j’étais une damoiselle bien née, je serais en droit de vous infliger des épreuves… Vous y consentiriez volontiers, afin de me conquérir. Vous attendriez mon bon vouloir des mois, voire des années… Laissez-moi rêver que j’en suis une… Vous êtes arrivé à Rechignac à la vesprée, et la nuit venue, je suis dans votre lit !… Si vous êtes épris de moi autant que peut l’être un prud’homme, vous aurez quelque patience.
    — Et toi ? demanda Ogier excédé, en pinçant doucement le téton dur comme un caillou. Tu es éprise de moi ? Je sens ton cœur sous mes doigts… Il bat. Il bat tellement…
    — Si je n’étais pas éprise, serais-je ici ?… Quand je vous ai vu traverser le hameau, à votre arrivée…
    Elle soupira, protesta :
    — Non, ne bougez pas ou je m’habille et m’en vais !
    Puis, gravement :
    — Dès que vous m’êtes apparu, j’ai su que si vous le vouliez, je serais vôtre.
    Il demanda, de nouveau plein d’espoir :
    — Alors, délivre-moi de mon serment !… Un peu plus tôt, un peu plus tard…
    — Non ! En vous cédant ainsi, j’agirais en putain !
    — Bon Dieu !
    Il était furieux et ravi : Anne avait du caractère.
    Elle étouffa un bâillement ; Saladin grogna, remua et dut se lover contre sa hanche. Il y eut un silence, puis la jouvencelle demanda :
    — Combien de temps restez-vous à Rechignac ?
    — Deux, trois, peut-être quatre ans… Je dois y apprendre le métier des armes.
    — Ensuite, vous partirez.
    Pour conjurer des velléités inutiles, le garçon tira sa main hors du lit.
    — Trois ou quatre ans, Ogier… Que serons-nous au bout de tous ces jours ?
    Il ne sut que répondre. Leurs mains se joignirent.
    Ce fut ainsi que le sommeil les fiança.

DEUXIÈME PARTIE LA FIN DES ENFANCES

I
    Dans le ciel blême où le vent frissonnait, le soleil tardait à paraître, bien qu’il eût affronté victorieusement déjà les colosses livides assemblés depuis la veille au-dessus d’Excideuil. Certains, atteints de ses flèches, répandaient sur leur poitrail des flots de sang ; d’autres glissaient vers le Ponant dans un grand déploiement de nacre et de cuivre. Il y

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