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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à mouiller la dextre de la fille tandis que la sienne la fourrageait… Puis ils s’étaient unis sur le sol, et Bertine n’aurait pas gémi plus fort s’il avait voulu l’occire… Passé ce premier spasme – cette suffocation de déconvenue plus encore que de contentement –, il avait connu et connaissait toujours, depuis, ce tourment du plaisir inapaisé, ces mystérieux appétits satisfaits presque malgré soi dans les draps fripés et vides… Solitude… Car Bertine s’était mariée sept jours après cette étreinte. Elle avait pris pour époux un palefrenier, Jean Hamel, et la drôlesse, bien que pourvue d’un homme en âge d’être son père, ne l’avait plus jamais regardé…
    Bertine. Pourquoi y avait-il tant songé ? Parce qu’elle était la première, l’unique ?
    Bien avant cette étreinte, l’appel du désir s’était brusquement manifesté dans son corps avec une turbulence presque sauvage, comparable à un cri de détresse. Lui qui, dès son plus jeune âge, avait compris les lois de la nature sans s’interroger sur la façon dont il y serait assujetti, voilà qu’incrédule, il s’y était senti soumis. Certes, il n’était pas en âge de se marier, mais il pouvait « prendre femme ». Cette réalité lui avait semblé tout d’abord incroyable. Les seules filles du château qui eussent pu ennoblir cet appétit tout neuf, c’étaient Aude et Guillemette, la chambrière de sa sœur. D’Aude il n’était point question, bien sûr… Mais Guillemette…
    Elles ne se quittaient jamais – ou presque. Percevant la transformation qui venait de se produire en lui – comme une autre s’était opérée en elles, plus confondante, car les blanchets [139] des lessives flottant au vent commençaient à en révéler à tous l’humiliante périodicité –, elles avaient prudemment écourté les instants passés en sa présence, et il avait traîné son corps solitaire comme une guenille dont les deux puçelles semblaient avoir honte pour lui.
    Était-ce la présence réconfortante d’Anne ? Certains détails de cette période lui revenaient, fugaces, à l’esprit, comme le souvenir d’une soif terrible, étanchée avec un assez mauvais breuvage : Bertine. Mais l’on boirait n’importe quoi lorsqu’on est altéré. Un soir, alors que le château s’entourait d’ombre et de silence, il avait surpris Guillemette – aussi blonde qu’Anne l’était, mais plantureuse –, dans l’escalier menant à la chambre d’Aude. « Messire Ogier ! Ah, vous m’avez fait peur ! » Elle le regardait, pâle, deux marches au-dessous d’elle, mais si près, cependant, qu’il eût pu saisir sa cheville et remonter plus haut, bien plus, que ses genoux. « Que faites-vous ici ? » – « La même chose que toi… » Cédant aux ardeurs qui le secouaient, il l’avait rejointe et pressée contre lui. Il avait enfoui ses lèvres, son nez dans ses cheveux ; il avait voulu couvrir de baisers ce front plissé, et ces lèvres qui, au lieu de hurler de peur ou de colère, protestaient dans un chuchotis : « Messire Ogier ! Messire Ogier ! Vous me faites mal ! » La maltraitait-il vraiment ? Jamais plus elle ne s’était trouvée seule en sa présence…
    Il revint aux réalités. Il caressait la tête de Saladin pour effleurer la main d’Anne. Il la saisit tout à coup. Elle était douce, fraîche, nerveuse. Il demanda :
    — Mais pourquoi Renaud s’en est-il pris à ton chien ?
    Elle se libéra et dissimula sa main sous sa cuisse. Il fut tenté de l’en dégager, mais s’abstint.
    — Non seulement j’ai donné un nom de païen à cette bête… Mais il me faut aussi vous dire que je me suis refusée à Renaud… Voilà surtout pourquoi ce malandrin m’en veut. Il s’est vengé sur Saladin.
    Comme le-soir-de-Bertine, Ogier n’était plus que contradictions et tumultes, désir rugueux, douceur hargneuse, et trop faible, soudain, devant la levée des démons familiers : Anne était si belle et surtout si proche. « Ne la laisse pas s’échapper. Elle te plaît. Non seulement son visage et son corps, mais aussi son esprit… Comment, par quelles approches, quels élans, quels propos, l’amener dans tes bras, consentante ? » La première et seule fois, l’initiative était revenue à Bertine ; la drôlesse avait de l’audace et de la pratique…
    — Quelqu’un, je veux dire un garçon, t’a-t-il…
    Comme cette question lui semblait indécente, maintenant

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