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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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allemands feraient de Stockholm un autre Rotterdam en ruine. Par
contre, j’ai en tête une grande œuvre humanitaire, et qui pourrait rendre aux
Alliés des services immenses. Il s’agit de sauver le plus grand nombre possible
de gens qui sont enfermés dans les camps de concentration. Voulez-vous être
avec nous ?
    — Naturellement, dit Kersten.
Je m’occupe depuis deux ans, vous le savez, de prisonniers et de condamnés à
mort. Leur nationalité ne comptait pas. Hollandais ou Finlandais, Belges ou
Français, Norvégiens ou Suédois, j’ai essayé d’aider tous les malheureux sur
lesquels j’ai pu recueillir des renseignements précis. Et je suis prêt à mettre
tous les moyens dont je dispose au service de tous ceux qui souffrent.
    — Alors, dit Gunther, nous
allons essayer de voir grand.
    À partir de ce jour, Kersten
rencontra très souvent le ministre des Affaires étrangères, et les deux hommes
mirent au point un projet d’une telle envergure qu’il semblait
chimérique : arracher aux camps de concentration des milliers de déportés
et les amener en Suède. Le gouvernement de ce pays devait convaincre les Allemands
qu’il donnerait asile aux malheureux et prendrait leur transport à sa charge.
La Croix-Rouge, représentée par le comte Bernadotte, servirait d’intermédiaire.
    Quant à Kersten, son rôle, de
beaucoup le plus important et le plus difficile, consistait à obtenir de
Himmler qu’il laissât partir les déportés.
     

3
    Le 15 octobre 1943, Kersten
prit l’avion de Stockholm pour Helsinki. À l’aérodrome, une voiture officielle
l’attendait qui le conduisit immédiatement auprès de M. Ramsey, ministre
des Affaires étrangères de Finlande. Leur conférence dura des heures. Kersten
fit un rapport étendu sur la situation de l’Allemagne et l’acheva en disant
que, d’après ses observations, le III e  Reich ne pouvait pas
tenir plus d’un an ou d’un an et demi. La guerre, à son avis, était perdue pour
Hitler. Le ministre confia à Kersten que c’était également l’opinion de son
gouvernement et qu’il n’avait qu’un désir : faire la paix avec la Russie.
Mais il ne pouvait s’adresser directement à Moscou. Il y avait trop de soldats
allemands en Finlande. Et Ramsey chargea Kersten d’essayer une négociation avec
des représentants américains à Stockholm. Ainsi, le docteur, qui avait été
l’homme le plus détaché des affaires politiques, devenait un messager secret de
la diplomatie internationale.
    Revenu en Suède, Kersten prit les
contacts voulus. L’ouverture finlandaise fut communiquée à Washington.
Roosevelt fit répondre que le gouvernement finnois devait s’adresser
directement à la Russie. L’affaire en resta là.
    Dans le même temps, Kersten fit une
autre tentative en faveur de la paix. Tout en tenant rigoureusement cachée à
Himmler la démarche de la Finlande, il proposa au Reichsführer de sonder les
Américains sur les conditions qui pourraient mettre fin aux hostilités.
    Himmler, loin de se montrer contraire
à cet avis, envoya dans le plus grand secret, à Stockholm, son chef
d’espionnage et de contre-espionnage, Walter Schellenberg. Mais les pourparlers
ne purent aboutir.
    Schellenberg repartit pour Berlin
et, à la fin du mois de novembre, Kersten lui-même dut envisager son retour en
Allemagne. Il n’avait pas le choix.
    Mais restait un problème autrement
difficile et grave : celui de sa femme et de son enfant âgé de quelques
mois. Allait-il les ramener dans un pays en guerre, où la situation se
détériorait sans cesse et où lui-même allait courir des risques de plus en plus
grands ? Leur sécurité était assurée à Stockholm, tandis que là-bas…
    Kersten songea aux réactions de
Himmler… Il savait que s’il rentrait, même seul, il serait le bienvenu… Le
Reichsführer avait trop besoin de lui. Mais, en même temps, Kersten sentit, de
tout son instinct, que s’il voulait posséder la confiance absolue, aveugle, de
Himmler, s’il voulait avoir toutes les chances de son côté, dans le jeu qu’il
avait à jouer auprès du Reichsführer, il fallait que sa femme et son
enfant regagnent l’Allemagne et servent de témoins, d’otages à sa fidélité.
    Assis dans un fauteuil, au cœur de
la nuit, les doigts entrelacés sur la courbe de son ventre, les sourcils joints
sous le haut front, le docteur méditait avec l’intensité de l’angoisse.
    Oh ! certes, avant ses
conversations avec Gunther,

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