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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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peux me procurer un sandalo 1 .
    — Vous êtes fou, Bossi ! S’il s’agit vraiment d’une victime du choléra, nous pouvons être contaminés et déclencher une épidémie. Du reste, un cercueil en zinc ne s’ouvre pas comme ça.
    — Dans ce cas, nous n’avons qu’à l’emporter.
    Tron fut obligé de rire.
    — L’emporter sur un sandalo ? Une barque déjà presque trop petite pour deux personnes ?
    — Le cercueil flotte sûrement, répliqua Bossi d’un air imperturbable. Nous pourrions le tirer derrière nous. Comme une balise longiligne.
    — Et après ? Où voulez-vous le déposer ? Au commissariat ? Au palais Tron ? Au palais Balbi-Valier ? Ou carrément chez vous ?
    Tron secoua la tête d’un geste énergique.
    — Non, Bossi, ce n’est pas possible.
    Son subalterne réfléchit encore un instant.
    — Peut-être n’est-il pas nécessaire d’emporter le cercueil.
    — Pourquoi ?
    — Si vous avez raison et qu’il contenait autre chose qu’un cadavre, on se sera hâté de le vider. Or je doute qu’on l’ait ressoudé après coup. Il n’y avait aucune raison – et pas assez de temps.
    Tron dut reconnaître que cette hypothèse se défendait.
    — Vous voulez dire qu’il suffirait de voir le cercueil pour savoir s’il était louche ?
    — C’est à peu près cela, dit l’inspecteur. Il nous faut juste une pioche et une lanterne sourde. Nous pourrions nous retrouver ce soir à onze heures et demie devant le ponte dei Mendicanti. Ou, si vous préférez, je viens vous chercher, commissaire.
    Ils étaient donc partis pour faire une promenade nocturne dans un cimetière et ouvrir une tombe sur le coup de minuit, l’heure des fantômes ! À croire que Bossi lisait maintenant des romans noirs. D’un autre côté, son raisonnement n’était pas dénué d’une certaine logique.
    — Venez me chercher sur le ponton du palais Tron à onze heures et demie, dit le commissaire d’un air décontracté.
    Bossi ouvrit des yeux grands comme des soucoupes.
    — Vous êtes sérieux, commissaire ?
    — Et comment ! Je m’occupe de la lampe sourde. N’oubliez pas de mettre des vêtements sombres !
    — D’accord. Moi, j’apporte le reste, promit l’inspecteur qui ne s’était toujours pas remis de sa surprise.
    — Premier coup de pioche à minuit ! plaisanta Tron avec un sourire. Et fermez la bouche, Bossi. On dirait un poisson dans un aquarium.
    1 - Barque à fond plat. ( N.d.T. )

19
    Le palais Soranzo possédait une des façades les moins impressionnantes de la calle lunga San Barnaba. Avec son crépi écaillé et ses fenêtres obstruées par des planches, il ne méritait plus vraiment le nom de palais. Plusieurs générations l’avaient divisé, éventré, maltraité. Seules les fenêtres ornées de tiercefeuilles et les vestiges d’un balcon en pierre au premier étage rappelaient que le bâtiment avait connu des jours meilleurs. Sur un panneau en bois défraîchi, à l’entrée du passage menant à l’arrière-cour, on pouvait lire C OLORI E PENNELLI , peintures et pinceaux, mais la petite boutique donnait le sentiment de ne pas avoir vu de client depuis longtemps.
    Eberhard von Königsegg, qui visitait cette partie de Dorsoduro pour la première fois de sa vie, tâta la poche de son manteau pour vérifier qu’elle contenait toujours son arme de service. Puis il emprunta le passage, déboucha dans l’arrière-cour et constata l’exactitude de la description faite par un voisin du professeur . La porte en bois massive, de l’autre côté, ne pouvait mener qu’à l’ androne , c’est-à-dire le vestibule. Là, il trouverait, paraît-il, M. Andreotti, l’homme qui encaissait les loyers de l’immeuble dans lequel le professeur habitait – ou, plutôt, avait habité car personne ne l’avait vu depuis l’avant-veille. Cette disparition ne pouvait signifier qu’une chose : il se cachait quelque part dans le labyrinthe de la cité sur la lagune.
    À l’issue de l’accablante conversation avec le commissaire Tron, le général de division en était arrivé à la conclusion que le prétendu professeur était de mèche avec les deux faux policiers. Il avait passé le reste de l’après-midi et la majeure partie de la nuit à élaborer un plan de bataille tout en buvant du cognac : il allait se lancer à la recherche du professeur – et le trouver. Bien sûr, chercher le professeur revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais le Seigneur ne lui avait-il pas déjà

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