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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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n’était pas qu’il eût noué des relations amicales avec ses complices. Ils travaillaient pour l’essentiel en silence. Même entre eux, la conversation se limitait au strict minimum. Juste une fois, quelqu’un avait fait une allusion mystérieuse à un faux uniforme de police et les trois autres avaient éclaté de rire, y compris Ziani, qui n’avait pourtant aucun humour. Ah ! Ziani – Boldù avait vraiment du mal à le cerner. Le chef du groupe avait dû recevoir le télégramme de Turin, et pourtant, il avait beau l’observer, rien dans son comportement ne trahissait la moindre défiance. Sans doute avait-il décidé d’attendre encore quelques jours. Hélas, dans quelques jours, la police les aurait sûrement déjà mis sous les verrous.
    Que venait-il donc faire dans cet appartement ? Qu’espérait-il y trouver ? Pourquoi courir le risque d’une effraction ? Cette idée lui avait traversé l’esprit au moment où Ziani lui avait raconté, pendant l’une de leurs brèves conversations, qu’il dînait tous les soirs au Quadri. Aussitôt, il avait résolu d’en profiter pour inspecter les lieux, sans raison particulière. Il était rare qu’il ne puisse pas expliquer une de ses décisions. Pourtant, même son entendement disait qu’il était parfois bon de suivre son instinct.
    Forcer la serrure de Ziani était à peu près aussi difficile qu’ouvrir une bouteille de cognac. Cela lui prit quelques secondes. Boldù y serait même arrivé à main nue. Il ouvrit avec précaution et tendit l’oreille. Comme rien ne bougeait, il referma la porte derrière lui en s’efforçant de ne faire aucun bruit et alluma sa lanterne sourde.
    Il se trouvait dans un étroit couloir d’environ cinq pas de long, avec une porte à droite et une autre à gauche, sans rien d’autre qu’un portemanteau et un porte-parapluies. Il faisait un froid de canard et une odeur de poisson pourri se mêlait à celle du tabac.
    La pièce de droite, qui donnait sur le campo San Maurizio, comprenait une table, une armoire, un lit et une table de chevet sur laquelle traînaient deux livres. En s’approchant, il constata qu’il s’agissait d’une vieille bible munie de ferrures et des Mystères de Paris d’Eugène Sue, deux ouvrages qu’il avait toujours trouvés d’un ennui mortel. Dans un coin de la chambre, des bûches étaient empilées avec un soin maniaque ; pourtant, le poêle en fonte ne brûlait pas. « Rien d’étonnant qu’il préfère le Quadri », songea Boldù.
    La seule chose remarquable dans cette pièce était un drôle d’appareil, posé à même le sol, de l’autre côté du lit. Dieu seul savait à quoi il pouvait servir. Il se composait de deux cylindres en cuivre, du diamètre d’une casserole, reliés par une série de tuyaux. Cette machine rappelait un alambic grossier, mais ce ne pouvait pas être le cas puisqu’elle comprenait à l’avant deux trappes manifestement non étanches.
    Boldù s’avança vers la penderie et l’ouvrit avec prudence. Il y découvrit une redingote, plusieurs pantalons et un manteau marron. Des chaussettes et des chemises étaient rangées sur les planches. Là encore, rien d’intéressant : pas de documents, pas de lettres, pas de télégramme provenant de Turin.
    Dans la cuisine, qui donnait sur la petite arrière-cour, rien non plus ne lui permit de tirer la moindre conclusion sur la personnalité de Ziani. Elle ne comprenait qu’un fourneau, deux chaises, une table sale et une étagère presque vide. Pas une seule bouteille, ni vide ni pleine, et hormis un bout de fromage et un quignon de pain moisi, aucune provision. On aurait presque dit que Ziani s’attendait qu’on fouille son appartement en son absence. Comme cela paraissait plus qu’improbable, Boldù en conclut que quelque chose avait dû lui échapper. Mais quoi ?
    Il traversa le couloir et revint dans la chambre. Là, il s’approcha de la drôle de machine et s’agenouilla devant les cylindres pour réparer une négligence. Il ouvrit le cylindre de droite, y glissa la main et en sortit un objet qui ressemblait au premier abord à une énorme bobine de fil, mais qui se révéla être une mèche enroulée. Le second cylindre contenait une bourse en velours rouge d’un certain poids. Il la ramassa, la posa sur la table, ouvrit le tissu avec précaution et ne put retenir un sifflement de surprise.
    Le collier qui brillait dans la lueur de sa lanterne sourde était en or massif. Il se composait de

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