Les Médecins Maudits
avec ces dossiers que j’ai recueillis avec tant d’amour ! » C’est le mot « amour » qui vient de quitter les lèvres du docteur Mengele. Je suis tellement ébahi que je n’ai pu prononcer une phrase pour lui répondre.
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Oui, Mengele a de l’amour pour ces recherches insensées qui n’aboutiront jamais. Beaucoup de ses confrères expérimentateurs s’inventent des travaux, développent des services inexistants dans le seul but d’échapper au front et à la mort. Mengele n’a pas besoin de se montrer indispensable : il l’est. Nul mieux que lui ne saurait diriger la rampe de sélection. Lorsqu’il est absent… c’est presque le chaos. Avec amour aussi, il sait choisir ceux qui peuvent parfaitement illustrer les théories racistes du Reich. Les Juifs sont inférieurs, dégénérés ; les effacer de la planète rend service aux survivants. Un jour, le camp liquidait les derniers revenants du Ghetto de Litzmannstadt. Mengele au comble de l’excitation découvre dans les rangs des déportés un père et son fils. Le père est bossu, le fils a un pied bot. Mengele griffonne une note pour Miklos Nyiszli.
— Examiner du point de vue clinique ces deux hommes. Faire des mensurations précises sur le père et le fils. Établir les dossiers cliniques renfermant toutes données intéressantes et plus particulièrement celles relatives aux causes qui ont provoqué les défectuosités corporelles.
Ils sont là tous deux, au terme de leurs souffrances confiants encore dans la mansuétude de leurs semblables. Nyiszli est au bord de la dépression. Peut-il supporter cette épreuve criminelle si peu scientifique ? Il s’est juré d’échapper au crématoire pour porter témoignage et son renoncement ne sauverait personne.
Le père possédait une importante affaire de tissus. Il a consulté avec son fils les plus grands médecins d’Autriche, et même d’Allemagne.
Des Sonderkommandos leur présentent un sauté de bœuf aux macaronis. Ils se détendent. Puis la « corvée » de Mengele avec, à la tête des exécuteurs, l’Oberscharführer Mussfeld, franchit le hall des laboratoires. Ils sont abattus, tous deux, dans la salle des fours.
Le soir Mengele réclame les dossiers…
— Ces corps ne doivent pas être incinérés, il faut les préparer et leurs squelettes seront expédiés à Berlin, au Musée anthropologique. Quels systèmes connaissez-vous pour le nettoyage parfait des squelettes ?
Miklos Nyiszli développe deux méthodes principales : le bain de chlorure de chaux (au bout de deux semaines, les chairs ont disparu), la cuisson. Mengele tranche :
— La plus rapide, la cuisson !
Après cinq heures de feu ronflant, sous deux énormes fûts métalliques, le foyer est noyé. Des ouvriers polonais réparent, tout à côté, Tune des cheminées du crématoire, ils sont attirés par ces marmites géantes. Leur faim est trop atroce… Oui c’est bien de la viande cuite…
Un assistant du laboratoire secoue Miklos Nyiszli.
— Docteur, docteur, les Polonais sont en train de manger la viande des barriques !
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Le docteur Hirsch xxxiv savait qu’il allait mourir. Le typhus ne lui laisserait que quelques jours de répit. D’autres déportés le chargent dans le camion… et puis soudain il s’évanouit. Il se réveille à l’infirmerie. Par quel miracle ?
— Des médecins déportés m’ont récupéré. Mengele cherchait un radiologue parlant allemand. Sans médicaments, par un autre miracle, j’ai pu me remettre rapidement.
Hirsch devait interpréter pour Mengele les radios des jumeaux prises dans le camp des femmes. Un jour, deux paires de jeunes enfants sont amenées à la « station ». Les deux plus jeunes ont cinq ans, les deux autres sept ans. Tous les quatre présentent des rougeurs autour des articulations. Les médecins déportés écoutent Mengele.
— On voit bien que ce sont là des tuberculeux.
Les médecins ont diagnostiqué de suite : « Érythème noueux xxxv » Mengele s’énerve, tape du pied.
— C’est du sabotage. Ce sont les signes de la tuberculose.
Si la situation n’était pas aussi grave, le docteur Hirsch éclaterait de rire devant cette preuve de l’incompétence de son « maître ».
— Et vous le radiologue ? Vous n’avez rien trouvé ?
— Non.
— Montrez les radios ?
— Rien ! Mais si vous voulez que je marque sur les fiches « tuberculeux », je vais marquer.
Mengele se tourne
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