Les Médecins Maudits
répugnants. Il poursuit :
— Le meilleur moyen d’obtenir rapidement et sans trop de difficultés cette collection, serait de donner des instructions pour qu’à l’avenir la Wehrmacht remette vivants à la police du front, tous les commissaires bolchéviques juifs. La police les gardera jusqu’à l’arrivée d’un envoyé spécial (jeune médecin ou étudiant en médecine). Celui-ci, chargé de réunir le matériel, devra prendre une série de photographies et des relevés anthropologiques ; il devra s’assurer autant que possible de l’origine, de la date de naissance, etc. des prisonniers. Après la mort de ces Juifs dont on prendra bien soin de ne pas endommager la tête, il séparera la tête du tronc et nous l’adressera dans un liquide conservateur.
La lourde machine administrative SS se met en branle. Himmler est « prodigieusement intéressé » par l’« énorme » intérêt de la proposition de « son ami ». Sievers, l’éminence grise de la Société pour l’Héritage des Ancêtres rend visite à Hirt. Tous deux estiment qu’il serait beaucoup plus aisé de transporter les commissaires juifs bolchéviques vivants à Strasbourg. Ils pourraient être tués dans le camp de Natzweiler, proche de la ville. Tous les services « dans le secret » applaudissent cette simplification. Les commissaires seront gardés à Auschwitz ; lorsque leur groupe atteindra cent cinquante ils seront dirigés sur Strasbourg.
Natzweiler était le seul camp d’extermination bâti sur le territoire français. Ses baraques s’étageaient à huit cents mètres d’altitude, dans un site grandiose, face au Donon. Plus tard il sera connu sous le nom de Struthof. Le maître des lieux, une brute bestiale : Josef Kramer xxxix .
— Pendant le mois d’août 1943, j’ai reçu du commandant suprême des SS à Berlin, l’ordre de réceptionner environ quatre-vingts détenus d’Auschwitz. Je devais prendre contact avec le professeur Hirt.
Hirt reçoit Kramer à l’Institut d’Anatomie et lui demande de gazer le convoi. Les corps lui seront amenés par petits groupes. Hirt a préparé dans une bouteille les cristaux nécessaires au « traitement » des commissaires.
— Je reçus les quatre-vingts détenus, un certain soir vers 9 heures. Je conduisis à la chambre à gaz une quinzaine de femmes. Je leur dis : « Vous allez à la désinfection. » Aidé de quelques SS je les déshabillai complètement et les poussai dans la chambre à gaz. Lorsque je fermai la porte elles commencèrent à hurler. Je plaçai une certaine quantité de sels xl dans un entonnoir placé au-dessus de la fenêtre d’observation. J’observai par cette lucarne ce qui se passait à l’intérieur. Les femmes continuèrent à respirer pendant une demi-minute et tombèrent sur le plancher. Quand j’ouvris la porte après avoir fait fonctionner la ventilation, elles gisaient à terre, sans vie, pleines d’excréments. Je dis à des infirmiers SS de mettre ces corps sur une camionnette et de les transporter le matin suivant à 5 heures et demie, à l’Institut d’Anatomie.
Kramer traitera, dans les jours suivants, quatre nouveaux groupes. Seconde par seconde il suivra l’agonie de trente femmes et de cinquante-sept hommes.
— Je n’ai ressenti aucune émotion en accomplissant ces actes car j’avais reçu l’ordre d’exécuter ces quatre-vingts détenus de la façon que je vous ai exposée. De toute façon j’ai été élevé ainsi.
*
* *
La camionnette de Natzweiler s’arrête devant l’Institut. Les deux préparateurs du professeur Hirt, Otto Bong et Henri Herypierre, qui avaient, la veille, rempli des cuves d’alcool synthétique à 55°, aident le conducteur et deux SS à transporter les corps de ce premier convoi.
— Ils étaient encore chauds xli . Les yeux étaient grands ouverts et brillants. Ils semblaient congestionnés et rouges. Ils sortaient de l’orbite. Il y avait des traces de sang au niveau du nez et de la bouche. Il n’y avait pas de rigidité cadavérique. J’estimai que ces victimes avaient été empoisonnées ou asphyxiées.
Le médecin-chef du camp d’extermination d’Auschwitz, Joseph Mengele. « Obsédé » par les jumeaux, il « voulait percer le secret de la gémellité »
Keystone
Herypierre rencontre le lendemain Hirt dans les couloirs. Le professeur s’arrête et lance :
— Si tu ne tiens pas ta langue tu y passeras aussi.
Puis à nouveau la
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