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Les Médecins Maudits

Les Médecins Maudits

Titel: Les Médecins Maudits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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religieuses, arriva de Pologne. Ces femmes furent mises au block 2. Une des religieuses, Isabelle Masynska, me demanda quelques comprimés pour elle et ses camarades souffrant de diarrhée.
    —  Le jour suivant, je me trouvais dans la salle des mortes, au service de récupération de l’or. Happ et Koehler entrèrent et me dirent de les suivre au petit camp. Happ avait pendant ce temps, amené les quatorze religieuses dans la cuisine désaffectée située derrière mon block. Tout à coup, nous entendîmes des coups de feu. Je fus à ce moment même appelée par Happ. Il me donna l’ordre d’apporter les ciseaux à dents à la fameuse cuisine. Lorsque j’entrai, je vis un spectacle indescriptible. Quelques-unes des religieuses étaient terriblement blessées et se convulsaient par terre, les yeux crevés, les orbites arrachées, des jets de sang jaillissaient de leur visage.
    Happ et Koehler tiraient à bout portant, au revolver, sur ces femmes qu’ils atteignaient aux points les moins vulnérables du corps, au visage en particulier pour mesurer la résistance d’un soldat blessé et susceptible de survivre assez longtemps. Expérience qu’il fallait pratiquer li .
    Encore pantelantes, ces femmes furent emportées au crématoire au bout de quelques instants, en moins d’une heure je crois.
    *
    * *
    Édouard Lambert lii se tenait au garde-à-vous dans le couloir de l’infirmerie de Buchenwald…
    —  Approche !
    Lambert en boitillant s’avança vers le médecin. Il le voyait pour la première fois.
    —  Alors, ta jambe, ça va ?
    Lambert avait eu le pied coincé sous la roue d’un wagonnet.
    —  C’est fini. Je sors tout à l’heure.
    Le médecin s’effaça pour le laisser passer.
    —  Bon ! Tu as droit à une récompense. Un bon repas avant de reprendre le travail.
    Sur la table, une cruche d’eau, un gros pain et deux poulets bien gras, luisants de graisse, roux, chauds, merveilleux. En moins d’une seconde la bouche du déporté débordait de salive, ses mains tremblaient d’envie, de joie.
    —  Voilà. C’est pour toi. Ne te précipite pas. Tu as une heure ; mais tu dois tout liquider. Je te laisse.
    Il resta seul, face à la table. Sa tête tournait. Il se précipita sur le pain d’abord ; à la première bouchée il comprit :
    —  Si j’avalais tout, j’allais mourir. Je le savais. Il fallait manger sans se presser. Le médecin avait souligné que j’avais une heure. Lentement j’attaquai les cuisses. À la troisième mon estomac s’était noué. Je ralentis le rythme. Il n’y avait sur la table ni couteau ni fourchette. J’étais comme une bête couverte de graisse les narines gonflées ! Je ne pensais plus qu’au pain ! Les poulets, c’était sûr, je les finirai… Mais le pain ? Il y avait un lavabo avec un robinet. Le trou d’évacuation d’eau n’était pas grillagé. J’émiettai des gros morceaux. La miche faisait plus d’un kilo. Lorsque le médecin revint, il ne restait sur la table que deux carcasses et un croûton minuscule.

—  Eh bien ! Quel appétit !
    Il riait.
    —  Une cigarette ?
    J’acceptai.
    —  Bon maintenant quelques examens.
    Pendant vingt-quatre heures Édouard Lambert fut livré à deux infirmiers qui lui firent deux prises de sang et surveillèrent sans arrêt sa température, son cœur, sa tension. Le lendemain, le médecin lui tendit un verre d’alcool et lui souhaita bonne chance.
    —  Vous vous souviendrez de mes poulets. Vous m’avez pris pour un fou. Allons, que tout se passe bien pour vous.
    Et il lui serra la main. Aujourd’hui encore Lambert se demande la signification de ce repas digne de Pantagruel. Le médecin anonyme (il ne portait pas les fers SS) poursuivait sans doute des travaux sur la nourriture. Ces recherches étaient permanentes dans les camps de concentration, dans pratiquement tous les camps. Karl Brandt reconnut à Nuremberg avoir ordonné des essais de nourriture concentrée sur les déportés d’Oranienburg.
    « Il s’agissait de mets concentrés que l’on devait parachuter dans certaines régions de Russie. Nous avions pris cette décision après avoir reçu des rapports de la forteresse de Stalingrad. On discutait sur la façon d’incorporer les matières grasses et les protéines. Ces expériences étaient importantes, mais sans danger. Les rations contenaient deux fois ou même plus, de calories qu’il n’était nécessaire… Nous désirions connaître la forme de nourriture

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