Les Médecins Maudits
la plus capable de permettre aux soldats d’exécuter leur devoir. »
A Mauthausen, les expériences sur l’alimentation entraînèrent plusieurs morts. Jean Laffitte, matricule 25519 fut l’un des premiers Français déportés dans ce camp. Il était affecté au block 16, appelé par les uns « block des cobayes », par les autres « block de la mort ».
— Le block 16 liii , édifié juste en face du Krematorium, était entouré d’une enceinte spéciale et isolé du reste du camp. Nous n’en sortions que pour nous rendre au travail qui pour nous s’effectuait à la carrière et dans les commandos les plus durs. Tout le reste du temps nous étions soumis au régime de la quarantaine, y compris pendant la durée des appels. Privés de lits, entassés les uns à côté des autres, nous faisions l’objet de brimades permanentes (contrôles de toutes sortes, gymnastique à coups de schlague, douches glacées, etc.) qui pratiquement nous interdisaient le repos.
Les « expériences » pratiquées sur nous, portaient sur un régime spécial d’alimentation dont on essayait les effets sur l’organisme humain. Cette nourriture se présentait sous la forme de bouillies. Elles se composaient, pour autant que nous pûmes en déceler l’origine, de résidus végétaux ou d’ersatz chimiques.
Certaines de ces bouillies provoquaient la dysenterie ou la constipation. L’une d’elles, où nous pûmes déceler des grains d’avoine à ergots très aigus, entraîna en quelques heures la mort de plusieurs cobayes.
Chaque semaine, nous étions pesés et faisions l’objet d’un examen sommaire, à l’intérieur du block, dans l’ambiance des cris et des coups. Chaque mois, nous étions conduits, sous bonne garde à l’extérieur du block pour un examen plus complet et des prélèvements de sang, ce qui aggravait encore notre faiblesse physique. La plupart de ces visites nous obligeaient à rester nus, dehors, pendant plusieurs heures.
De façon générale, le régime du block 16 a entraîné pour une même période, une mortalité beaucoup plus grande que celle constatée dans les autres blocks. Les malades ou blessés du block n’étaient pas admis à se faire soigner au Revier.
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Camp de Gusen.
— J’ai liv été hospitalisé à l’infirmerie dans le « block des puces ». Nous étions enfermés là pour voir combien de temps nous pouvions résister à l’action de ces parasites. J’ai vu le chef du block 31 faire des expériences sur des malades qu’il voulait guérir. Il avait une seringue énorme où il mettait toutes les ampoules d’une boîte et il était tout étonné du résultat car, à chaque fois, les malades mouraient dans de terribles souffrances.
11
l’affaire des poisons
L e capitaine Selvester, fines moustaches lissées, taches de rousseur, doigts noueux, fixe longuement ce flibustier échappé d’un brigantin sabordé.
— Pourquoi ce bandeau sur l’œil gauche ?
— Rien. Une égratignure.
— Votre nom ?
— Vous avez les papiers, vous ne savez pas lire ?
— Votre nom ?
— Je vous dis : lisez.
— Votre nom ?
— Heinrich Hitzinger.
— Vous appartenez ?
— A la Geheime Feldpolizei.
— Grade ?
— Feldwebel…
Himmler, pâle, retrouve sa confiance ; ce petit capitaine britannique stupide et borné ne l’a pas reconnu. Lui qui soigne particulièrement ses moustaches aurait dû se rendre compte que le prisonnier a rasé les siennes : sous le nez la peau est plus claire. Ah ! si seulement il avait « perdu » comme tout le monde ses papiers. Mais non ! Le vieux réflexe policier a joué : avec un laissez-passer du Service de sécurité de l’Armée de terre, on ne peut être considéré comme suspect…
Sauf pour les Britanniques qui arrêtent tous ceux qui brandissent des papiers et en particulier les membres des Services de sécurité, considérés a priori comme « possibles criminels de guerre ». La sentinelle du poste de contrôle de Meinstedt a examiné longuement cette carte barrée de noir, lisse, timbrée, tamponnée.
— Elle semblait sortir d’un coffre-fort. J’ai téléphoné à un officier et j’ai gardé Hitzinger et ses compagnons. Ils étaient une dizaine. Tous déguisés. Habillés à la fois de vêtements civils et militaires.
Le 23 mai 1945, les prisonniers son transportés au camp britannique d’interrogatoire 031 de Lunebourg.
— Votre nom ?
Alors Hitzinger dans
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