Les murailles de feu
j’étais un hilote frais arrivé de Sparte. Ce sont les propres officiers du roi qui m’ont interrogé. J’étais là-bas, à deux pas de la tente de Xerxès. Je sais où le Grand Roi dort et comment faire arriver des hommes jusqu’à sa tente.
Alexandros éclata de rire.
— Tu veux dire que tu veux l’attaquer sous sa tente ?
— Quand sa tête est coupée, le serpent meurt. Faites attention. Le pavillon du roi se trouve juste sous les falaises au bout de la plaine, au bord de la rivière, afin que ses chevaux puissent boire avant que le reste de l’armée ne pollue la rivière. Le défilé est arrosé par un torrent qui jaillit des montagnes. Les Perses le croient infranchissable et ils ont commis moins d’une compagnie pour le garder. Une demi-douzaine d’hommes pourraient se faufiler dans l’obscurité et ils pourraient peut-être même s’échapper ensuite pour revenir.
— Oui. Nous n’aurons qu’à battre des ailes et à voler au-dessus…
Tout le camp était réveillé. Déjà, au Mur, les Spartiates se massaient, si l’on peut employer ce terme pour un si petit nombre. Le Coq nous apprit qu’il s’était offert à servir de guide pour emmener une équipe au cœur du camp perse, en échange du retour de sa femme et de ses enfants à Lacédémone. C’était pourquoi les Skirites l’avaient battu ; ils avaient pensé que c’était là une ruse pour emmener des braves chez l’ennemi et les faire torturer ou pire.
— Ils ne veulent même pas transmettre ma proposition à leurs propres officiers. Je vous demande d’informer des officiers. Même sans moi, cela peut réussir. Je le jure par tous les dieux !
Ce serment me fit rire.
— Tu es donc devenu pieux autant que patriote.
Les Skirites nous interpellèrent sèchement. Ils voulaient en finir avec le Coq pour revêtir leur armure. Deux éclaireurs vinrent le malmener et resserrer ses liens quand une clameur surgit à l’arrière du camp. Tout le monde tourna ses regards plus bas.
Quarante Thébains avaient déserté durant la nuit. Une demi-douzaine d’entre eux avaient été exécutés par les sentinelles, mais les autres étaient parvenus à fuir, à l’exception de trois hommes. Et ces trois hommes venaient d’être découverts, essayant de se cacher dans les monceaux de cadavres. Ce déplorable trio fut maîtrisé par les sentinelles thespiennes, puis jeté par terre, sur le terrain même où l’armée se mettait en formation. Cela sentait le sang. Le Thespien Dithyrambe prit l’affaire en main.
— Quel châtiment réserverons-nous à ceux-là ? demanda-t-il aux soldats alentour.
À ce moment-là, alerté par l’agitation, Dienekès apparut près d’Alexandros. Je saisis l’occasion pour plaider pour la vie du Coq, mais mon maître ne répondit pas ; il ne s’intéressait qu’à la scène qui se déroulait plus bas.
Une douzaine de soldats demandèrent la peine de mort. Des coups violents furent assénés aux captifs terrifiés. Il fallut que Dithyrambe en personne intervînt pour faire reculer les soldats.
— Les Alliés sont possédés, dit Alexandros consterné. De nouveau.
Dienekès dit froidement :
— Je n’assisterai pas à une seconde scène de ce genre.
Il avança, écarta la foule devant lui et s’arrêta près de Dithyrambe.
— Ces chiens ne méritent aucune miséricorde ! cria-t-il devant les déserteurs ligotés et les yeux bandés. Il faut leur infliger le châtiment le plus détestable qu’on puisse imaginer, afin que personne ne suive l’exemple de leur couardise.
Des cris d’approbation jaillirent des soldats. Dienekès leva la main pour calmer le tumulte.
— Vous me connaissez, les gars. Est-ce que vous accepterez le châtiment que je propose ?
Un millier de voix s’élevèrent pour l’assurer.
— Vous ne protesterez pas ? Vous ne contesterez pas ?
Tous jurèrent de s’en tenir à la sentence de Dienekès.
De la butte qui s’élevait derrière le Mur, Léonidas et les chevaliers, dont Polynice, Alphée et Maron, observaient la scène. On n’entendait que le vent. Dienekès alla vers les prisonniers et arracha les tissus qui leur bandaient les yeux.
Et, de l’épée, il trancha leurs liens.
Des cris d’indignation s’élevèrent de tous côtés. La désertion face à l’ennemi était passible de mort. Combien d’autres ne fuiraient-ils pas s’ils pouvaient s’en sortir avec la vie sauve ? L’armée se désintégrerait !
Seul parmi tous
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